Le populisme sordide de Macron

Pour justifier sa loi immigration, le président de la République en appelle soudainement aux sondages et aux « Français ». Piétinant des valeurs fondamentales, il surfe sur un invariant humain : la peur de l’autre qui, dans sa version ultime, s’appelle le racisme.

Denis Sieffert  • 22 décembre 2023
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Le populisme sordide de Macron
© Guillaume Deleurence / affiche signée atelier Dugudus.

À bout d’arguments pour justifier l’extrême droitisation de la loi immigration, Emmanuel Macron a appelé à la rescousse « les Français ». Ils « veulent » cette loi. Et tant pis s’ils ne la connaissent pas ! Tant pis s’ils en ignorent les multiples aspects, et s’ils ne peuvent en percevoir les effets pervers : sans doute plus de clandestins, plus d’enfants à la rue, plus de métiers essentiels à notre société non pourvus, moins d’échanges culturels… Tous les Français fantasmés par le président de la République auraient besoin d’un François Héran. Au lieu de ce brillant analyste, ils ont CNews, le JDD, Bardella, Ciotti et Darmanin. Une opinion, ça se modifie. Si l’on voulait une définition assez précise du populisme, Macron nous l’aurait fournie : « Je suis votre chef, donc je vous suis ».

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Autre motif d’étonnement : depuis quand Macron gouverne-t-il en suivant les sondages ? On ne l’avait pas vu aussi attentif aux enquêtes d’opinion quand 70 % des Français se disaient hostiles à la réforme des retraites. Et là, c’était en pleine connaissance de cause pour leur propre vie. On a confirmation aujourd’hui que Macron, s’il n’est pas « l’homme sans qualité » de Musil, est un homme sans convictions. Le talent qu’il faut lui reconnaître est cette capacité à défendre l’indéfendable face à des journalistes inertes. À l’en croire, sa loi immigration n’est donc pas d’extrême droite. C’est même une « défaite » du Rassemblement national. Et la terre est plate. On ne saurait mieux discréditer la parole publique.

À l’en croire, sa loi immigration n’est pas d’extrême droite. C’est même une « défaite » du RN. Et la terre est plate.

La vérité, c’est que Macron surfe sur un invariant humain : la peur de l’autre qui, dans sa version ultime, s’appelle le racisme. Pas besoin de sondages pour savoir que nous portons tous cette sourde méfiance au fond de nous-même. Mais cela se combat, jusqu’à devenir la passion de découvrir ce qui nous est étranger, et qui au fond, nous ressemble tant. On pourrait espérer d’un personnage politique du rang le plus élevé qu’il y contribue. Celui-ci, au contraire, préfère enkyster les préjugés les plus inavouables dans une opinion déjà travaillée par des médias bollorisés. Encore un peu, et Macron sera mûr pour rétablir la peine de mort.

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On pense évidemment à Mitterrand, qui n’a jamais manqué ni d’opportunisme ni de cynisme, mais qui sur quelques valeurs fondamentales, et qui touche à l’intime, a su braver « l’opinion publique ». Le comble, dans l’épisode sordide que nous vivons, est cette saisine du Conseil constitutionnel. Ce qu’une politique sans courage n’a pas su éviter, le droit devrait nous l’épargner. Il est bien possible que cela advienne en effet. Et tant mieux. Mais quelle misère quand l’opportunisme va jusqu’à ruiner des valeurs qui devraient être sacrées.

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