« Le Déserteur », le sacrilège du soldat

Dani Rosenberg montre une société israélienne corrompue par l’état de guerre.

Christophe Kantcheff  • 23 avril 2024 abonné·es
« Le Déserteur », le sacrilège du soldat
Le réalisateur israélien Dani Rosenberg, dont c’est le deuxième long-métrage, a construit son intrigue à partir d’un épisode autobiographique.
© Dulac Distribution

Le Déserteur /  Dani Rosenberg / 1 h 38.

Bien que tourné avant le 7 octobre, Le Déserteur offre un stupéfiant écho avec l’actualité. Le réalisateur israélien Dani Rosenberg, dont c’est le deuxième long-métrage, a construit son intrigue à partir d’un épisode autobiographique : alors qu’il était soldat, il a fui son unité. Mais, au bout de quelques heures, seul dans le désert et désemparé, il a fait marche arrière et a regagné sa base. Shlomi (Ido Tako), son personnage, lui, ne se retourne pas. Le film enregistre ainsi les conséquences successives de son acte, qui vont sans cesse s’amplifier.

Mais, auparavant, il s’enfuit. Ce sont des scènes impressionnantes où Shlomi court à travers un paysage de ruines, celles de la ville de Beit Hanoun à Gaza, détruite par un bombardement lors de la guerre de 2014, qui ont été reconstituées numériquement. Le jeune homme déserte en effet dans le contexte particulier d’une opération militaire sans merci livrée contre Gaza et justifiée par l’action terroriste du Hamas.

En Israël, déserter est tabou. Shlomi a bien sûr en tête cette donnée, ce qui l’amène à prendre des précautions, à se cacher parfois, à mentir souvent. Auprès de sa mère par exemple, à qui il est obligé de dire une partie de la vérité, mais il transforme sa fuite en épopée sentimentale : il aurait ainsi voulu retrouver sa petite amie, Shiri (Mika Reiss). À qui il ment aussi.

Juvénile, politique et clairvoyant

L’armée recherche ce soldat disparu. De nombreuses scènes montrent Shlomi parcourant les rues de Tel-Aviv sur son vélo, qui n’est pas en l’occurrence un instrument de liberté mais un moyen d’échapper à ce qui ressemble à une traque. Au gré de ses pérégrinations, le film prend aussi le pouls de la société israélienne : nationaliste, corrompue par l’état de guerre et l’esprit « occupé » par les Palestiniens, tout en étant hédoniste – une séquence dans un bar où Shlomi est témoin d’une conversation sur les événements à côté de gens qui dansent est très emblématique.

Bientôt la pression sur Shlomi se fait de plus en plus difficile à supporter, surtout quand l’armée décide qu’il a été enlevé par le Hamas. Le Déserteur met son énergie folle (due largement à Ido Tako) au service d’une critique acerbe, qui en fait à la fois un film juvénile et politique. Et clairvoyant.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes