« Il est urgent que les jeunes s’intéressent aux élections »

Élève de terminale à Paris, Samson Larmoyer a organisé pour sa classe une projection-débat d’Une affaire de principe d’Antoine Raimbault.

• 5 juin 2024
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« Il est urgent que les jeunes s’intéressent aux élections »
Meeting de Raphaël Glucksmann pour les élections européennes, à Paris, au Zénith, le 30 mai 2024.
© Maxime Sirvins

Élève de terminale au lycée Jules-Ferry à Paris, Samson Larmoyer a organisé pour sa classe une projection-débat d’Une affaire de principe d’Antoine Raimbault. Il comptait sur ce film traitant de la lutte contre la corruption des politiques pour susciter chez ses camarades un intérêt pour les questions européennes et inciter les majeur·es parmi elles et eux à aller voter le 9 juin.


On n’est pas sérieux quand on a 17 ans. Pourtant, mes camarades de terminale et moi avons de sérieuses échéances qui nous préoccupent. Les résultats de la loterie Parcoursup, les épreuves écrites du bac, le grand oral, l’organisation des vacances, les petits boulots. Autant dire que la date du 9 juin ne rythme pas toutes nos conversations. Pourtant, beaucoup d’entre nous, âgés de 18 ans, gagneront ce jour-là le droit d’exercer pour la première fois leur devoir civique dans les urnes. Malheureusement, ma génération ne fait pas figure d’exception et elle ne s’intéresse pas plus que les autres aux élections européennes. Moi-même, bien que très intéressé par la vie politique française et proche d’un syndicat lycéen depuis 2022, je dois dire que les institutions européennes me paraissaient lointaines. Jusqu’à ce que je voie le film d’Antoine Raimbault Une affaire de principe.

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Dans ce thriller politique inspiré de faits réels, le spectateur suit l’enquête menée par José Bové en 2009, quand il était député européen. Corruption, conflits d’intérêts, lobbying : voilà ce qu’il combat avec vigueur dans les couloirs du Parlement européen. Ce film a agi sur moi comme une piqûre de rappel : les élections approchent et il est urgent de s’y intéresser collectivement. Dans les rares conversations que nous avons entre jeunes à propos des élections européennes, la discussion s’essouffle en général assez vite, avec la même chute : « Nan, mais Bardella à 30 %, ça fait peur. » Et ça s’arrête là. Pas d’analyse, aucune réaction, pas de lutte en vue, c’est plié.

Il faut dire que les élèves du lycée public Jules-Ferry, à Paris dans le 9e arrondissement, ne sont pas la première cible du RN. C’est pas la ZAD, mais c’est pas le Puy du Fou non plus ! Face au désintérêt déguisé en fatalisme de la plupart des lycéens, je me suis dit qu’organiser une sortie au cinéma pour voir Une affaire de principe aurait le mérite de plaire à tout le monde. L’occasion était belle : un bon film sur l’engagement politique et la démocratie, qui informerait mes camarades sur les institutions européennes. Avec le soutien de ma professeure, j’ai contacté Antoine Raimbault et nous avons organisé avec lui une projection suivie d’un débat.

Pour préparer le terrain, j’ai interrogé mes condisciples. La moitié d’entre eux ne sont pas inscrits sur les listes électorales.

Pour préparer le terrain, j’ai interrogé mes condisciples. La moitié d’entre eux ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Certains n’auront pas encore 18 ans. « T’aurais voté ? » Hochement de tête positif. « Tu sais pour qui ? » Hochement de tête négatif. « Tu t’en fous ? » « Un peu, mais mes parents m’auraient forcée. » J’ai élaboré un questionnaire pour voir ce qu’ils pensaient de l’Europe et des personnalités politiques avant le film. « Opportunistes », « ne reflétant pas la société française », « éloignés de nous », « payés des sommes considérables qui ne sont pas à la hauteur de ce qu’ils apportent à la société » : le constat était globalement sévère. Quant à l’Europe, mes camarades blâmaient parfois leur propre manque d’intérêt, mais regrettaient aussi de « ne pas être assez informés à l’école ».

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Avant la séance, j’étais inquiet : le film allait-il intéresser les élèves ? « Au début, ça m’a fait un peu piquer du nez parce que ça parle beaucoup. Ça pourrait être très chiant, mais ça ne l’est pas. » Par-dessus mon épaule, cette phrase m’a rassuré. Le débat a été plus long que prévu grâce aux multiples questions des élèves et aux réponses d’Antoine Raimbault, soucieux de donner envie d’aller voter « pour tout sauf l’extrême droite ». Après la séance, tous se disaient plus au fait de l’Europe et de ses institutions. Les avis étaient unanimes : « Je me sens plus intéressée par le sujet et j’ai envie de m’informer davantage », « je retiens l’importance de se battre dans le domaine politique pour essayer d’arriver à son objectif ».

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Pourquoi on vote, qui on élit et quand, comment, quels rôles et quels pouvoirs auront nos représentants : ces questions, l’école devrait être là pour nous en donner les réponses. Les élections se déroulent dans quelques jours et peut-être que, sans cette matinée-là, des élèves de ma classe qui le peuvent ne seraient pas allés voter. Les autres attendront les municipales de 2026. Autre scrutin, pas moins important. Parce que le vote jeune est méprisé, réduit à une majorité d’abstentionnistes pointés du doigt comme s’ils étaient seuls responsables de leur désintérêt pour la politique, c’est aussi vous, professeurs, personnels de direction, qui avez les clés.


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