« Voyage au bord de la guerre », journal de voyage

Antonin Peretjatko rapporte d’Ukraine un film où priment les rencontres.

Christophe Kantcheff  • 17 juin 2025 abonné·es
« Voyage au bord de la guerre », journal de voyage
Voyage au bord de la guerre offre une vision de l’Ukraine très personnelle, loin des perceptions journalistiques, ce qui en fait tout le prix.
© Bathysphère

Voyage au bord de la guerre / Antonin Peretjatko / 1 h 02.

Il aura fallu que la Russie déclare la guerre à l’Ukraine pour qu’Antonin Peretjatko (réalisateur jusqu’ici de comédies telles que La Fille du 14 Juillet ou La Loi de la jungle) se sente concerné par ses origines. Et encore ! Elles lui servent davantage de déclencheur pour faire le voyage. S’il évoque son grand-père, exilé ukrainien en France, on ne le sent pas répondre à un appel identitaire impérieux. Et, une fois sur place, retrouver les traces familiales ne sera pas, et de loin, sa première préoccupation. C’est assez rare pour que cela soit noté.

Le regard d’Antonin Peretjatko se situe là : à hauteur ­d’Ukrainiens et dans leur quotidien.

Une autre caractéristique de Voyage au bord de la guerre tient à la technique de filmage adoptée. Afin de ne pas se soumettre au numérique et à l’uniformisation qui en découle, dit le cinéaste, celui-ci a choisi de tourner en 16 mm avec une caméra Bolex, très utilisée dans les années 1960 et 1970. D’où une forme particulière, très différente de l’esthétique du documentaire courant. Puisque la caméra ne peut contenir que quelques minutes de pellicule, la suite des plans est forcément non linéaire, les entretiens sont fragmentés et la voix off s’offre comme un recours tentant. C’est la limite du film : Peretjatko s’y adonne à de nombreux commentaires souvent trop explicatifs, au-delà des données factuelles qui auraient pu suffire.

Mais, hors ce défaut, Voyage au bord de la guerre offre une vision de l’Ukraine très personnelle, loin des perceptions journalistiques, ce qui en fait tout le prix. Avec un ami ukrainien réfugié en France, le cinéaste traverse le pays jusqu’à Kyiv, partout plus ou moins marqué par la guerre. À Lviv, il rencontre des réfugiés de la ligne de front qui s’offusquent de voir qu’ici la vie continue presque comme avant. À Boutcha, ville martyre quand elle fut occupée par les Russes, les profondes cicatrices sont à peine refermées.

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Le cinéaste y rencontre des habitants encore traumatisés, dont un metteur en scène de théâtre qui a arrêté ses activités face à l’envahisseur voulant le soumettre – quand le directeur de l’orchestre, lui, a été exécuté. Le regard d’Antonin Peretjatko se situe là : à hauteur ­d’Ukrainiens et dans leur quotidien, nous rendant proche cette existence de l’arrière du front, où le sentiment d’un présent dangereux et incertain ne se départit pas de la foi en l’avenir.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes