« Once Upon a Time in Gaza », anti-héros
Dans leur film, les frères Nasser montrent des vies contraintes.
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© Dulac Distribution
Once Upon a Time in Gaza / Tarzan et Arab Nasser /1 h 30.
Réalisateurs gazaouis en exil, les frères jumeaux Tarzan et Arab Nasser signent avec Once Upon a Time in Gaza un drôle de film. Comme c’était le cas de leurs deux longs métrages précédents, Dégradés (2016) et Gaza mon amour (2021), l’action se déroule dans l’enclave palestinienne – en l’occurrence, en 2007 –, où deux amis, Osama, un dealer débonnaire, et Yahya, un vendeur de falafels, étudiant à ses heures, s’adonnent sans heurts à leur trafic. Qui consiste notamment à dissimuler une pilule de Tramadol dans chaque sandwich.
Le choix du Tramadol est plus qu’emblématique : c’est tout le film, lent et dépressif, qui semble placé sous opioïdes. Pas seulement parce que Yahya et Osama sont désœuvrés et sans autres amis. Quand le premier a une velléité de sortir, d’aller à la plage, le second repousse sa proposition : « Tu vois pas l’ambiance, dehors ? » À intervalle régulier, un plan montre un missile israélien tombant sur un immeuble – en outre, 2007 est l’année où Israël impose un strict blocus aux Gazaouis après la victoire électorale du Hamas.
Puis un flic pourri se mêle de leurs affaires, les choses tournent mal, et Osama se retrouve avec une balle dans l’abdomen. Mort. Une deuxième partie s’ouvre alors – à mi-temps du film. Nous sommes deux ans plus tard, au sortir de la guerre menée par Israël sous le nom « Plomb durci » – un écran de télévision montre un militaire palestinien vantant la résistance de Gaza malgré l’avalanche de feu subie.
Sort absurde
Yahya, profondément affecté par la mort d’Osama, se retrouve engagé comme protagoniste dans un film de propagande, présenté comme le « premier film d’action produit dans la bande de Gaza ». Là encore, il se laisse porter par les événements, jusqu’à ce que le tournage le mette à nouveau en présence du policier corrompu et tueur.
Le reste est plus que jamais affaire de situation incontrôlée et de sort absurde. Once Upon a Time in Gaza a des allures de polar sous cloche, avec des personnages sans horizon, aux faits et gestes contraints, n’aspirant pas à l’héroïsme mais à une existence normale qu’ils n’osent presque plus rêver. Après avoir raconté une histoire d’amour dans leur film précédent, les frères Nasser montrent ici la vie à Gaza comme anémiée. Ils ont tourné avant le 7-Octobre. Comment la percevront-ils à l’avenir ?
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