Pride des banlieues : « Il faut des moyens dans la santé, pas dans l’armée »
Créée en 2019, la Pride des banlieues aura lieu ce 7 juin à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Cette année, l’événement se mobilise pour la santé des personnes LGBT+ de banlieues. Entretien avec Yanis Khames, l’un des fondateur·ices.

© Outplay Films
C’est quoi la Pride des banlieues ?
Yanis Khames : À sa création en 2019, la Pride des banlieues était un événement qui venait répondre à deux choses. La première, c’est qu’il y avait un discours médiatique sur les personnes LGBT+ en banlieue qui décrivait un enfer et qui servait – et sert d’ailleurs encore aujourd’hui – des discours qui justifient la précarisation de nos territoires, mais aussi leur stigmatisation et les politiques de répression.
Nous, on est venus dire que ce discours ne reflète pas la réalité du vécu des personnes LGBT+ dans les quartiers populaires et que plutôt que de parler de nous, on préfère expliquer que nos enjeux sont beaucoup plus proches des autres habitants de quartiers populaires que ce qui est décrit dans les médias. Le deuxième enjeu de cette Pride, c’est de parler des vécus des personnes qui habitent les quartiers populaires en y incluant des enjeux de race et de classe, en parlant par exemple de la précarité de ces territoires.
En 2022, la Pride des banlieues est devenue un mouvement qui rassemble une centaine de militant·es. On a pour objectif de faire entendre les revendications des personnes LGBT+ populaires à travers des actions de solidarité auprès de cette communauté et des actions de plaidoyer, avec des tribunes, des articles et des publications sur les réseaux sociaux.
Chaque année, la Pride des banlieues a une revendication principale. Pourquoi avoir choisi cette année de « marcher contre la destruction du droit à la santé pour toutes et tous » ?
Avoir une revendication principale permet de mettre en avant un enjeu précis des personnes LGBT+ des quartiers populaires et de pouvoir faire comprendre les priorités que nous avons. Cette année, on parle d’enjeux de santé parce que le gouvernement a promis beaucoup de moyens pour l’armée – 413 milliards d’euros sur la période 2024-2030. En parallèle, on observe que depuis 10 ans à l’échelle nationale, le temps d’attente dans les urgences des hôpitaux publics a augmenté de 45 minutes. Le gouvernement se trompe de combat : il faut des moyens dans la santé, pas dans l’armée.
Dans les quartiers populaires, l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis est dans un état délétère. Ce n’est pas rare de faire 10 heures d’attente pour pouvoir être pris en charge dans le service d’urgence. C’est lié au fait que la Seine-Saint-Denis est l’un des plus grands déserts médicaux de France hexagonale.
Il y a un enjeu dans la prise en charge par les médecins des personnes racisées.
On laisse moins de temps et d’espace aux praticiens et praticiennes pour prendre en charge correctement les patient·es LGBT+, qui ont des prévalences de certaines problématiques de santé, comme le VIH, mais aussi des enjeux de santé mentale. Il y a aussi un enjeu dans la prise en charge par les médecins des personnes racisées, avec notamment le syndrome méditerranéen, qui fait que les douleurs exprimées par les patient·es noir·es et arabes ne vont pas être reconnues de la même façon que celles des patient·es blanc·hes.
L’idée serait de se demander pourquoi et comment réussir à faire en sorte que ça ne soit plus le cas. Il faudrait une formation politique pour combattre la méconnaissance des personnels soignants, ou pire certains biais racistes et LGBTphobes.
Pour les personnes sans-papiers, êtes-vous favorable à la suppression de l’aide médicale d’État afin que la santé de ce public entre dans le droit commun à la Sécurité sociale ?
Oui, complètement. On est même pour la régularisation de tous les sans-papiers de manière générale parce qu’aujourd’hui, dans nos territoires, il y a une grande partie de la population dans cette situation. Parmi eux, il y a beaucoup de personnes LGBT+ qui sont en attente du droit d’asile, qu’ils et elles n’obtiennent pas souvent. Dès lors que l’on va régulariser tous les sans-papiers, on va améliorer la santé de ces personnes-là.
Dès lors que l’on va régulariser tous les sans-papiers, on va améliorer la santé de ces personnes-là.
Au-delà de la marche, quelles sont les actions de la Pride des banlieues dans le domaine de la santé des personnes LGBT+ dans les banlieues ?
Par exemple, depuis plusieurs années, on gère ce qu’on appelle la « Distrib ». L’idée, c’est de pouvoir distribuer du matériel d’affirmation de genre aux personnes transgenres et non-binaires. Cette année, on a distribué 200 kits, et en parallèle, on distribue aussi du matériel de santé sexuelle.
Combien attendez-vous de personnes à la marche de cette année ?
Le plus possible, l’année dernière 17 500 personnes étaient venues. On essaye de viser les 20 000 samedi.
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