Qu’est-ce que la valeur ajoutée ? 

Depuis des années, la propagande néolibérale nous explique qu’il faut travailler davantage et réduire les dépenses publiques. Pour comprendre cet argumentaire et le démonter, il faut s’intéresser à ce qu’est, réellement, la valeur ajoutée.

Jean-Marie Harribey  • 18 juin 2025
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Qu’est-ce que la valeur ajoutée ? 
© Mathieu Stern / Unsplash

La question mérite d’être réexaminée alors que la propagande néolibérale affirme qu’il faut travailler plus longtemps pour les retraites, diminuer les dépenses publiques et les services publics, mais ne pas alourdir les impôts des riches. Et cela au motif que la valeur que pourrait produire le secteur privé est trop contrainte par les besoins collectifs.

Il existe un consensus pour reconnaître que les activités économiques sont réparties en deux grandes catégories. Les unes sont marchandes, produites essentiellement au sein des entreprises capitalistes ; les autres sont non marchandes, produites au sein des administrations publiques et des associations. Marchandes ou non, elles sont exprimées monétairement. La valeur ajoutée dans une économie pendant une année est donc la somme des valeurs ajoutées dans ces deux compartiments.

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Dans les deux cas, on soustrait de la valeur de toutes les productions les consommations intermédiaires, pour ne pas les compter plusieurs fois. On obtient la valeur ajoutée brute si on y conserve l’amortissement des équipements ; on obtient la valeur ajoutée nette si on enlève ce dernier. La somme des valeurs ajoutées brutes donne le produit intérieur brut, à la TVA près ; celle des valeurs ajoutées nettes donne le revenu net rassemblant tous les salaires, profits et transferts sociaux.

Revenir à l’économie politique

Le produit marchand a un prix payé par les acheteurs qui est l’addition du coût de production et du profit. Le calcul du produit non marchand obéit au même principe, sauf que le profit est égal à zéro. Il n’y a là aucune aberration ni aucune dissimulation. Les salaires versés par les administrations publiques sont réputés correspondre au coût de production, hormis la valeur des équipements utilisés. Cette convention n’est pas plus étonnante que celle qui consiste à qualifier de « prix de marché » celui qui est inscrit sur les étiquettes des marchandises, car il n’y en a aujourd’hui aucune qui soit vendue à un réel prix de marché, pratiquement tous les biens et les services marchands ayant des prix plus ou moins administrés.

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Afin de sortir d’un examen purement statistique, il faut revenir à l’économie politique et considérer que c’est le travail qui est la source de toute la valeur ajoutée. Et il faut aller plus loin encore avec Marx pour comprendre que la valeur ajoutée est validée socialement d’un côté par la vente des marchandises et de l’autre par la décision collective de produire des services non marchands dont le coût est socialisé. Les services monétaires non marchands ne sont pas soustraits du produit marchand, ils s’y ajoutent.

La valeur ajoutée n’est pas cachée, elle est seulement détournée.

Dans les deux cas, le travail validé est productif de valeur ajoutée, au grand dam des tenants du capitalisme qui voient échapper de leur emprise une part non marchande de la valeur ajoutée. Contre l’avis aussi de certains marxistes qui en restent à une vision étriquée de la production. Contre l’avis enfin de quelques penseurs écologistes qui s’imaginent corriger le calcul de la valeur ajoutée en donnant un prix fictif à ce qui ne doit pas en avoir (pourquoi faire comme si l’éducation engendrait un profit monétaire ?) et à ce qui ne peut pas en avoir parce que c’est inestimable (pourquoi donner un prix à la lumière du soleil qui engendre la photosynthèse ?).

La valeur ajoutée n’est pas cachée, elle est seulement détournée par ceux qui refusent une modeste taxe Zucman.

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