Après l’Iran, retour à Gaza
La guerre en Iran s’inscrit comme une étape sur le chemin de la liquidation de la question palestinienne. D’une façon ou d’une autre, elle ressurgira dans toute son horreur.
dans l’hebdo N° 1868 Acheter ce numéro

© Omar AL-QATTAA / AFP
Comme toujours en de telles circonstances, la performance des armes fascine les médias audiovisuels. Les questions qui font débat s’étirent d’autant plus qu’elles sont sans réponses. La bombe américaine anti-bunker a-t-elle perforé la colline de Fordo où est enfouie l’usine d’enrichissement d’uranium réputée la plus inaccessible ? L’arsenal nucléaire iranien est-il vraiment anéanti, comme s’est empressé de le proclamer Donald Trump ? L’Iran était-il vraiment à « quinze jours » de disposer de l’arme atomique ? Il est probable que nous avons été une fois de plus les dupes d’une manipulation d’envergure. Souvenons-nous des « armes de destruction massive » de Saddam Hussein en 2003, et de « l’attaque » d’un navire de guerre américain par un bâtiment vietnamien dans le golfe du Tonkin qui a fait prétexte à l’engagement des États-Unis au Vietnam en 1964.
Netanyahou a l’avantage sur les autres protagonistes de ce conflit de savoir où il veut aller.
L’histoire est un éternel recommencement. Aujourd’hui, le grand cynique s’appelle Benyamin Netanyahou. C’est lui qui donne le tempo à l’échelle de l’histoire, sinon au jour le jour. Qu’il ait semblé, le 24 juin, accepter un cessez-le-feu décrété par Trump n’inverse pas cette hiérarchie qui durera tant que les États-Unis et les Européens ne prendront pas des mesures contraignantes à l’encontre du gouvernement israélien. Netanyahou a l’avantage sur les autres protagonistes de ce conflit de savoir où il veut aller. On entend couramment qu’il n’a pas de sortie de crise à Gaza et en Cisjordanie. C’est une vérité intermédiaire. Mais à moyen et long terme, il poursuit un but qui est celui de toute une vie. Il veut liquider la question palestinienne et, si nécessaire, les Palestiniens eux-mêmes. C’est un objectif évidemment difficile à avouer. En attendant, depuis le 7 octobre 2023, il détruit méthodiquement tout ce qui peut entraver la réalisation de ce funeste dessein.
La guerre en Iran est une étape importante sur ce chemin pavé de mauvaises intentions.Son savoir-faire lui permet d’entraîner les États-Unis et les Européens dans cette « guerre de cent ans » contre les Palestiniens, à coups de conflits secondaires qui peuvent sembler porter en eux leur justification, que ce soit la guerre au « terrorisme » ou l’urgente nécessité d’interdire au régime des mollahs de posséder la bombe atomique. La guerre la plus agressive du monde pour contester au peuple palestinien son droit à l’existence se présente ainsi comme une succession de conflits défensifs. Les Européens, qui ânonnent le « droit d’Israël à se défendre », ne sont que les benêts plus ou moins conscients dans la grande entreprise coloniale de Netanyahou.
Le concept de guerre préventive autorisant un État à attaquer son voisin (…) est appelé à de beaux jours.
Le comble étant atteint par le chancelier Friedrich Merz se pâmant d’admiration pour cette armée israélienne qui « fait le sale boulot pour nous tous ». Comme si le « sale boulot », ce n’était pas plutôt le génocide à Gaza, et comme si ce n’était pas la même armée sous le même commandement et le même gouvernement en Iran et à Gaza. On sent dans cet hommage comme le lâche soulagement d’un chancelier qui avait fini par se sentir obligé de critiquer Israël à Gaza. Le front occidental pouvait enfin se ressouder. C’est un fait : Netanyahou a réussi un coup de maître en attaquant l’Iran dont la menace nucléaire, réelle ou exagérée, planait sur la psychologie collective en Israël. Il a réussi un coup de maître en forçant Trump à lui emboîter le pas. Bien sûr, la défaite de l’Iran est consommée. Mais le risque est grand que le régime se venge sur sa population.
Netanyahou comme Trump sont inaccessibles aux processus complexes qui peuvent ensuite gangrener les relations internationales, et nos sociétés. Comment va s’exprimer la frustration des vaincus ? Quel nouveau terrorisme va surgir ? Enfin, quelles conséquences sur le droit international ? Le concept de guerre préventive autorisant un État à attaquer son voisin sur la base d’une crainte ou d’un soupçon est appelé à de beaux jours. Il peut faire le bonheur de Poutine en Ukraine et de Xi Jinping à Taïwan. Sans doute, serons-nous encore « sidérés » par les 11-Septembre et les 7-Octobre de demain.
Enfin, on peut se demander comment Israël regardera Netanyahou ? Comme un héros qui a vaincu tous les ennemis et qui peut tout se permettre, ou redeviendra-t-il le massacreur des Palestiniens ? Car, d’une façon ou d’une autre, la question palestinienne va ressurgir dans toute son horreur, et dans toute sa nécessité, aggravée des centaines de morts tués à l’ombre de la guerre d’Iran. Dans quelques jours ou dans quelques semaines, Macron, Merz, Trump et les autres devront dire leur vérité politique sur la question palestinienne.
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