« Kouté vwa », vivre sans oublier

Un premier long métrage signé par le Guyanais Maxime Jean-Baptiste.

Christophe Kantcheff  • 8 juillet 2025 abonné·es
« Kouté vwa », vivre sans oublier
Kouté vwa parvient, grâce à des scènes du quotidien et sans mysticisme plaqué, à évoquer la présence d’un mort dans la vie de ses proches.
© Spectre Productions

Kouté vwa / Maxime Jean-Baptiste / 1 h 16 / en salles le 16 juillet.

En 2012, à Cayenne, un jeune homme de 19 ans, Lucas Diomar, a été tué en marge d’une fête. Ce meurtre a traumatisé la population guyanaise dans la mesure où il révélait un certain état de la montée de la violence. Dix ans après les faits, le souvenir de Lucas Diomar et de sa disparition tragique est encore très présent dans les mémoires.

C’est alors que Maxime Jean-Baptiste a tourné son premier long métrage, consacré à celui qui était son petit-cousin. Ou plus exactement à ceux qui vivent avec ce souvenir encore très fort en eux. En particulier : la mère de Lucas, Nicole ; un de ses proches amis, Yannick ; et son neveu Melrick, le personnage principal du film. Melrick est un garçon de 13 ans habitant la région parisienne, qui passe ses vacances d’été chez Nicole, sa grand-mère. Tous trois interprètent leur propre rôle.

Kouté Vwa (« Écoute les voix », en français) développe sa fiction sur une solide base documentaire. Le film s’ouvre d’ailleurs sur des images d’archives, celles d’une marche blanche organisée au lendemain du meurtre. Toutes les situations convergent vers cette même question : comment les uns et les autres ont-ils surmonté – ou non – la disparition de Lucas, dont l’aura était grande ?

À bonne distance

D’évidence, Yannick en est encore très marqué, au point d’avoir des difficultés à s’inscrire dans le présent. On le voit en entretien avec un psychologue ou, au gré d’images prises quelques années plus tôt, en pleurs devant l’édification d’une fresque à la mémoire de son ami. Nicole raconte à Melrick comment, se retrouvant dans sa voiture devant l’un des tueurs, elle a eu la tentation de l’écraser, avant de se raviser et, finalement, s’appuyant sur sa foi, de pardonner à ceux qui ont ôté la vie à son fils. Quant à Melrick, l’apprentissage du tambour dans une grande fanfare – la musique est très présente dans le film – relève d’un héritage à perpétuer : Lucas était en effet un « tambouyé », un maître du tambour.

Maxime Jean-Baptiste ne verse dans aucun pittoresque.

Au-delà de certaines maladresses (l’usage du ralenti sur des images filtrées en bleu), Kouté vwa parvient, grâce à des scènes du quotidien et sans mysticisme plaqué, à évoquer la présence d’un mort dans la vie de ses proches, plus que jamais soudés. Maxime Jean-Baptiste, un Guyanais de la métropole comme Melrick, ne verse dans aucun pittoresque. Son regard est à la bonne distance et montre ainsi la voie à ce qui pourrait être un cinéma de Guyane que l’on ne peut qu’appeler de nos vœux. La sortie sur les écrans de la métropole de Kouté vwa est déjà une bonne nouvelle en soi.

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Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes