Oum Khaltoum, Trans-Orient-Express
Orchestré par le talentueux musicien libanais Zeid Hamdan, un concert choral – qui réunit sur scène une douzaine de personnes – rend un hommage original, sans révérence, à l’illustre chanteuse égyptienne Oum Kalthoum.
dans l’hebdo N° 1872-76 Acheter ce numéro

Prochain concert : le 2 août à Marseille, dans le cadre de L’Été marseillais.
Icône de la musique arabe moderne, Oum Kalthoum – dont la voix profonde s’est déployée bien au-delà du Moyen-Orient – a rendu son dernier souffle le 3 février 1975. Initié par le Printemps de Bourges, le projet d’un concert-hommage a été imaginé en écho au cinquantième anniversaire de sa mort.
Principale idée conductrice : inviter des artistes – instrumentistes, chanteurs et chanteuses – d’horizons musicaux divers à se réapproprier le répertoire de « l’Astre de l’Orient », l’objectif étant de chercher à restituer la substance de sa musique plutôt que de s’attacher à reproduire ses chansons de façon littérale. Cela tient aussi à la temporalité car lesdites chansons peuvent durer jusqu’à une heure ou plus, un format plus du tout adapté aux habitudes d’écoute du XXIe siècle…
J’ai senti que le moment était venu d’aller à sa rencontre.
Z. Hamdan
La direction musicale du concert a été confiée à Zeid Hamdan, musicien libanais très créatif, connu précisément pour sa capacité à connecter tradition et modernité. Sorti en 2024, le bel album de Bedouin Burger – duo formé avec la chanteuse Lynn Adib – en offre l’exemple le plus récent. « Quand l’équipe du Printemps de Bourges m’a proposé de piloter cette création, j’ai tout de suite accepté, raconte Zeid Hamdan. Après avoir esquivé Oum Kalthoum pendant des années, car je pensais que je n’avais pas la maturité pour l’apprécier, j’ai senti que le moment était venu d’aller à sa rencontre. »
Une fois la mission acceptée, en décembre 2024, il s’est lancé dans un travail intense durant trois mois, avant la première restitution live du projet, programmée en avril 2025 dans le cadre du Printemps de Bourges. En dialogue avec l’équipe du festival, il a composé un aréopage vocal éclectique représentant plusieurs nationalités et esthétiques musicales.
On y trouve quatre chanteuses – Natacha Atlas, Camélia Jordana, Souad Massi, Maryam Saleh – et trois chanteurs – Abdullah Miniawy, Danyl, Rounhaa. Les trois premières jouissent d’une notoriété importante. Maryam Saleh et Abdullah Miniawy sont deux figures phares de la nouvelle scène égyptienne tandis que Danyl et Rounhaa sont deux jeunes rappeurs, le premier franco-algérien, le second franco-suisse (issu d’une famille aux racines marocaines et martiniquaises).
« Une chanteuse de blues en transe »
« J’ai demandé à chaque interprète la chanson qu’il ou elle avait envie de faire sienne, explique Zeid Hamdan. J’ai écouté toutes les chansons en profondeur pour comprendre leur dynamique interne. Ensuite, j’ai choisi les parties sur lesquelles j’allais travailler dans chaque chanson. J’ai samplé et découpé les enregistrements en essayant de saisir au mieux le tempo. Oum Kalthoum m’apparaît comme une chanteuse de blues en transe : elle ralentit, accélère, respire, met de l’émotion, véhicule un groove continu. »
Ayant une vraie marge d’appropriation, les chanteuses et chanteurs se succèdent sur scène, interprètent une ou plusieurs chansons. Celles-ci sont davantage que des reprises. Danyl et Rouhnaa ont ainsi écrit des paroles en français qui traduisent des ressentis personnels et leurs chansons distillent une forme de mélancolie urbaine contemporaine.
Hybrides et vivaces, sans effusion démonstrative, les parties musicales sont jouées par Zeid Hamdan (synthé, basse, guitare) avec Uriel Barthelemi (batterie) et un quatuor de musique classique arabe. Un interlude chorégraphié se glisse en cours de concert, lequel intègre aussi des images vidéo et des textes projetés. Écrits par le dramaturge et conseiller artistique Youness Aazane (regard extérieur sur le projet), en résonance avec les chansons d’Oum Kalthoum, ils font des références explicites au massacre actuellement perpétré à Gaza.
La chanson « Nami » – que porte la voix de Natacha Atlas, sur fond de bruits de drones et d’avions – se révèle un moment particulièrement fort. Appréhendé par Zeid Hamdan comme un work in progress au long cours, le concert a été présenté au Festival d’Avignon, le 14 juillet, dans l’enceinte majestueuse de la cour d’honneur du Palais des papes, où il a pu prendre un relief maximal.
Pour aller plus loin…

Zinée : « Faire de la musique, c’est politique »

« Ô Guérillères », le soulèvement des femmes

Kananayé, la musique en partage
