Pour une radicalité sensible
Avec son numéro spécial d’été, Politis plonge au cœur des émotions qui agitent la politique. Une invitation à sortir de l’imagerie caricaturale de la raison froide contre la passion aveugle.
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© Maxime Sirvins
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« Émotions et politique » : le numéro spécial d’été de Politis Rima Hassan et Rokhaya Diallo : « La gauche ne se réduit pas à la colère »Pour commander le numéro spécial « Émotions et politique », rendez-vous sur notre boutique pour le commander au format numérique ou papier.
Dans nos sociétés contemporaines, où l’abstraction froide des chiffres et des discours techniques prétend souvent écraser toute forme d’humanité, ce numéro d’été de Politis choisit une voie audacieuse : plonger au cœur des émotions qui agitent la politique. Il s’agit moins de céder à une psychologisation superficielle des luttes que de reconnaître que la politique, au fond, n’est pas qu’une affaire de stratégies ou de calculs rationnels, mais d’expériences vécues, de ressentis puissants et de passions collectives.
Penser la politique sans émotions, c’est oublier que la politique est d’abord une affaire de vies humaines.
Un constat banal pour toute militante ou tout militant, mais qu’il convient de remettre au centre du débat face à l’aseptisation ambiante. Parce qu’il est grand temps de réhabiliter les émotions en politique. Non pas pour en faire un prétexte à l’irrationalité, mais pour affirmer ce que les luttes sociales ont toujours su : la politique est d’abord une affaire de passions, de douleurs partagées et de rêves collectifs. Dans ce monde où le néolibéralisme prétend gérer nos vies à coups d’indicateurs de performance, ce numéro d’été de Politis nous rappelle que la révolution commence dans les cœurs – ou les tripes, c’est selon.
Dans notre imaginaire politique, la raison a souvent été présentée comme la seule voie légitime, tandis que les émotions étaient reléguées au rang de dangers à maîtriser ou à éviter. Pourtant, penser la politique sans émotions, c’est oublier que la politique est d’abord une affaire de vies humaines, de désirs, de souffrances et d’espoirs. À gauche, où l’on revendique la justice sociale et l’égalité, il est essentiel de redonner aux émotions la place qu’elles méritent : non comme obstacles, mais comme forces puissantes qui nourrissent l’engagement et le changement.
Les émotions sont le pont entre les individus et le collectif, entre l’expérience personnelle et l’action publique.
Refuser la place des émotions en politique, c’est donc accepter une démocratie figée, incapable de se connecter aux réalités profondes des citoyen·nes. Cela favorise une politique froide, technocratique, où les décisions s’éloignent des préoccupations réelles. La politique, pour être vivante et juste, doit au contraire s’appuyer sur ce que ressentent les individus et les communautés : la colère face aux inégalités, la peur de perdre des droits, l’espoir d’un monde meilleur. Par ailleurs, reconnaître la place des émotions, c’est aussi remettre en question les inégalités qui ont longtemps fait passer certains vécus pour inférieurs ou dangereux.
Dévalorisation
Les émotions des femmes, des personnes racisées ou des classes populaires ont été trop souvent dévalorisées, stigmatisées comme excessives ou irrationnelles. Cette dévalorisation est un outil de domination. En revanche, les exprimer et les intégrer dans le débat politique, c’est reconnaître la richesse des expériences humaines et élargir le champ de la démocratie. De plus, les luttes sociales contemporaines montrent à quel point les émotions sont des moteurs essentiels. La douleur face aux discriminations, la joie des victoires collectives, la solidarité entre militant·es : ces affects tissent du lien, renforcent la communauté politique, créent une énergie partagée indispensable à toute transformation sociale.
En somme, les émotions sont une force politique légitime et nécessaire. Elles donnent vie à la politique, permettent de sentir ce qui ne va pas, de mobiliser, d’espérer. Elles sont le pont entre les individus et le collectif, entre l’expérience personnelle et l’action publique. Pour une gauche engagée, il s’agit d’en faire un levier de puissance, en cultivant une politique sensible, attentive aux souffrances et aux désirs, capable de nourrir un projet d’émancipation humaine.
Ce numéro est une invitation à repenser la politique par ses émotions, à sortir de l’imagerie caricaturale de la raison froide contre la passion aveugle, pour réconcilier engagement politique et vécu sensible. En ces temps incertains, cette radicalité sensible n’est pas un luxe, mais une nécessité vitale.
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