« Palombella rossa », quand le communisme prend l’eau
Le sixième film politique et sportif de Nanni Moretti est de nouveau sur les écrans.
dans l’hebdo N° 1878 Acheter ce numéro

© Sacher Film / Collection ChristopheL via AFP
Palombella rossa / Nanni Moretti / 1 h 29.
Michele, un député communiste italien, devient amnésique après un accident de voiture. Il est embarqué par son équipe de water-polo pour aller disputer un match. La seule chose dont il se souvient, en relisant un hommage qu’il avait écrit à l’adresse d’un camarade mort (tout un symbole), c’est qu’il est communiste : « Io sono comunista », va-t-il répéter. Mais comment ? Qu’est-ce que cela signifie ? Michele peine à en trouver le sens.
Le désarroi des communistes : tel est le sujet central de Palombella rossa, le sixième long métrage de Nanni Moretti, qui y interprète le personnage principal. Le film est de nouveau sur les écrans, en copie restaurée. Il est troublant de voir à quel point il résonne avec notre présent – si l’on élargit l’acception du mot « communisme » à celui de « gauche ». Déjà, Palombella rossa était en avance : sa sortie en France en novembre 1989 était synchrone avec la chute du Mur. Quand le cinéma anticipe des événements historiques, il est très souvent grand.
Palombella rossa est, dans sa forme, éclaté, comme les bribes de mémoire revenant à Michele, et cohérent. Se déroulant quasi intégralement dans la piscine de water-polo où a lieu le match, tout y est concentré : le flot incessant des paroles de Michele à la recherche de lui-même, de celles de l’entraîneur de son équipe, qui n’indique pas davantage la bonne direction malgré l’inflation de ses injonctions, la horde des harceleurs politiques qui viennent demander des comptes à Michele, qui n’en peut mais, le point de fixation que représente un écran de télévision diffusant Le Docteur Jivago (qui fut publié pour la première fois en Italie), la croyance dans la fiction étant la seule voie de convergence des joueurs des deux équipes et du public.
Le comique vient d’une déconnexion générale.
On a souvent retenu la charge du film contre le mésusage du langage. Moins que Palombella rossa est un film burlesque à l’envers. Tous les ingrédients y sont, mais dévitalisés. Le comique vient d’une déconnexion générale. S’y déploie aussi, à travers les souvenirs d’enfance qui remontent, une forme d’appel à une autre présence au monde, et donc à la mélancolie. Ce qui apparaît clairement dans le film suivant : Journal intime, où le silence (dont il est déjà question ici) prend le pas sur la parole.
Pour aller plus loin…

« L’Évangile de la révolution », des prêtres à l’assaut des dictatures

« Bonjour la langue » : dernier coup de théâtre

« Miroirs n°3 », un possible retour
