Macron, un beau discours et des contradictions
L’initiative courageuse du président français aux Nations unies appelle maintenant des sanctions contre Israël.
dans l’hebdo N° 1881 Acheter ce numéro

© ANGELA WEISS / AFP
Symbolique ? Historique ? La querelle des adjectifs est prématurée au lendemain de la reconnaissance de l’État de Palestine par la France. L’histoire se juge rarement dans l’instant. On dit que le 14 juillet 1789 Louis XVI n’avait écrit sur son journal intime qu’un seul mot : « Rien ». Au moins une chose est sûre, il s’est passé quelque chose ce lundi 22 septembre, devant l’Assemblée générale des Nations unies. Mais le pari courageux d’Emmanuel Macron ne livrera vraiment son verdict que dans les semaines et peut-être même les mois qui viennent. Se souviendra-t-on de ce jour comme d’un tournant, l’annonce d’un retour à la diplomatie, ou comme d’une glorieuse illusion ?
Le président français a déjà obtenu un demi-succès. Les Cassandre prévoyaient que la France serait seule. Elle ne l’est pas, tant s’en faut. Le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, la Belgique et le Portugal ont suivi (1). Mais la France bute toujours sur le refus obstiné et difficilement compréhensible de l’Allemagne. J’entends bien l’argument de la culpabilité. Mais il est paradoxal qu’au nom des crimes d’hier le pays s’impose le silence sur les crimes d’aujourd’hui.
Il y faut ajouter Malte, Saint-Marin et Andorre.
La France, elle, a tenu son rang, même tardivement. Ceux qui disent que c’est trop tôt sont des imposteurs. BHL et ses amis se reconnaîtront. Ils ne veulent rien d’autre que donner encore du temps à la réalisation du fait accompli. Depuis 1967, c’est la politique israélienne. Avec Netanyahou et ses amis d’extrême droite, le processus s’est accéléré, et il est devenu plus sauvage que jamais. Plus rien n’arrête la colonisation de la Cisjordanie.
Et plus rien n’arrête le massacre de la population de Gaza. On tue des Arabes par tous les moyens, les bombes, la faim, les pogroms organisés par des hordes de voyous sûrs de leur impunité. Ceux qui s’opposent à la décision de Macron ne font que plaider pour la poursuite de l’épuration ethnique et du génocide. Ils vivent toujours à l’heure du 7 octobre 2023. Pour eux, rien ne s’était passé avant, et rien ne s’est passé depuis. L’attaque terroriste du Hamas, après avoir été un terrible malheur, est devenue une aubaine qui justifie le pire. Le Hamas figure toujours dans tous les discours israéliens. Ceux du gouvernement, comme ceux, un ton en dessous, d’une partie de la population.
L’attaque terroriste du Hamas, après avoir été un terrible malheur, est devenue une aubaine qui justifie le pire.
Il hante encore les esprits de la communauté juive en France. Pour les uns, cyniques, l’évocation du Hamas n’est déjà plus qu’un alibi pour tuer de l’Arabe. Pour les autres, la majorité, le mouvement islamiste inspire encore une peur réelle. Mais c’est un contresens de ne penser la suite de l’histoire que dans le rapport de force et la haine. C’est en pensant à l’opinion israélienne et à une partie de la communauté juive française que Macron a insisté sur le désarmement et le démantèlement du Hamas. Mais il a mordu le trait une fois de plus en confondant antisionisme et antisémitisme.
C’est hélas l’argument qui justifie en France la répression des mouvements de solidarité pour les Palestiniens, et qui paralyse une demande franche de sanctions à l’encontre d’Israël. Et c’est une contradiction qui fait douter de la réelle détermination du président français. Il a eu raison cependant d’enraciner son propos dans le droit international. Le lieu l’y invitait.
Car c’est la promesse de la communauté internationale, par le vote du 29 novembre 1947, de promouvoir deux États qui a été constamment trahie. C’est la résolution 242 de novembre 1967 qui enjoignait à Israël de se retirer des Territoires occupés qui a été oubliée. Et c’est sur cette trahison et sur cet « oubli » que le fascisme israélien incarné par Netanyahou a pu asseoir son pouvoir. Quelles sont donc les chances que le discours de Macron entre dans l’histoire ?
Mais il y a longtemps que Netanyahou s’occupe moins des intérêts de son pays que de ceux de sa camarilla d’extrême droite.
Le premier ministre israélien, ivre de colère (c’est déjà ça !), a promis des représailles. Le pire serait évidemment l’annexion de la Cisjordanie. Mais elle risque de se heurter au refus des Arabes signataires des accords d’Abraham. Un désengagement d’Abu Dhabi contrarierait les intérêts de Donald Trump, et ceux d’Israël. Mais il y a longtemps que Netanyahou s’occupe moins des intérêts de son pays que de ceux de sa camarilla d’extrême droite.
Ajoutons que le gouvernement israélien n’a pas besoin d’une déclaration en bonne et due forme pour annexer la Cisjordanie. Enfin, jetons tout de même un œil dans le petit bout de la lorgnette. En France, la gauche a pu pavoiser en hissant le drapeau palestinien aux frontons des mairies, infligeant un camouflet à Bruno Retailleau. Le conflit israélo-palestinien est bien un marqueur politique dans notre paysage tourmenté.
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