Après l’annonce du vote de confiance, la Macronie en bande désorganisée
La stratégie de François Bayrou, arc-bouté sur son plan austéritaire, fragilise le bloc central. Les manœuvres du Premier ministre sont critiquées, la droite veut prendre son indépendance et les appels à une coalition par les macronistes ne sont pas entendus.

© Thibaud MORITZ / POOL / AFP
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« L’extrême centre a toujours eu une pente devant lui le menant à l’extrême droite »À chaque jour suffit sa peine. Depuis l’annonce le 25 août d’un vote de confiance à l’Assemblée, François Bayrou est dans une opération sauvetage. Tous azimuts. Il enchaîne les prises de parole. Partout, tout le temps. Une tentative de mobiliser l’opinion publique sur son plan d’austérité de 43,8 milliards d’euros et sur l’urgence de la dette. Ou façon de faire campagne pour l’après et sa candidature potentielle pour la présidentielle de 2027. « François Bayrou engrange une image, considère le député socialiste Laurent Baumel. Il sait que Matignon est un lieu qui crame les gens. Ça se voyait qu’il n’avait pas vraiment envie de s’investir dans des négociations budgétaires. Il préfère une autre posture, parler de “vérité”. Il prend date. »
Depuis des jours, le premier ministre fait campagne. Au lendemain de son coup de poker aux allures kamikaze, il se rend aux universités d’été de la CFDT, à Boissy-la-Rivière (Essonne). Il profite de la tribune pour proposer des aménagements sur son plan d’austérité. Un effort « spécifique » pour les hauts revenus, la suppression des niches fiscales qui profitent aux ménages aisés, un « rééquilibrage » de plusieurs aides aux entreprises, un plan de lutte contre la fraude sociale et fiscale… Une très grossière main tendue au Parti socialiste (PS).
Le lendemain, il se rend au JT de 20 heures sur TF1. Bayrou lance l’idée de dernières consultations. Mais avec une condition : « Est-ce qu’on s’accorde sur la gravité et sur l’urgence ? Est-ce que c’est vrai ce que je dis ? » Traduction : les discussions n’auront lieu uniquement si les oppositions valident le diagnostic du centriste. Pas la meilleure façon d’entamer une négociation qui vient d’ailleurs très tardivement. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait avant ? « Parce qu’ils étaient en vacances. » Première gaffe.
« Quand vous demandez la confiance, il faut essayer de la construire », critique alors Édouard Philippe dans un entretien à l’Agence France Presse. Vient ensuite la deuxième gaffe : selon Bayrou, la dette a été augmentée à cause du « confort de certains partis politiques et des boomers ». Une sortie critiquée par Laurent Wauquiez et Édouard Philippe qui juge, depuis le coup de poker du premier ministre, qu’une dissolution semble « inéluctable ».
« Mais tout ça est dingue »
Au sein du bloc central, personne ne se dévoue vraiment pour défendre ce premier ministre dont les jours sont comptés. Mais François Bayrou reste convaincu de son argumentaire : la France est endettée jusqu’au cou et il se doit de dire la gravité de la situation aux Français. « Nous vivons un moment critique de notre histoire nationale », dit-il lors de l’université d’été du Medef le 28 août à Roland-Garros. Le 31 août sur Franceinfo, LCI, BFMTV et CNews, il l’affirme : « Je suis absolument persuadé que ça peut bouger. Comment ? Si les Français, dans la semaine qui vient, disent : “Mais tout ça est dingue !” »
C’est la débandade et la confusion. Il donne l’impression de ne pas avoir préparé ce qu’il est en train de faire.
P. Christophle
Pour lui, il n’est pas question de faire la moindre concession. Les propositions budgétaires du PS ? Surréalistes. Elles créeraient, selon ses calculs, 32 milliards d’euros d’impôts pesant principalement sur les entreprises. La taxe Zucman ? « Inconstitutionnelle. » Des déclarations pour le moins maladroites une semaine avant le vote de confiance. Il se montre seulement ouvert sur la suppression de deux jours fériés qui pourrait être limitée à « un seul jour au lieu de deux sans difficulté ». Une bien maigre ouverture. La stratégie de François Bayrou est difficilement compréhensible.
La gauche voit dans ces paroles une preuve de l’impréparation du maire de Pau. « Il est seul, on dirait qu’il n’a pas de conseiller autour de lui, lâche le député socialiste Paul Christophle. Il y a 20 ans, François Bayrou était déjà de droite, mais il avait une sorte de stature morale au milieu de la classe politique. Aujourd’hui, c’est la débandade et la confusion. Il donne l’impression de ne pas avoir préparé ce qu’il est en train de faire, et tout nous porte à lui refuser la confiance ».
Sa campagne est un peu tardive. Ça ressemble un peu à un sauve-qui-peut.
N. Dubré-Chirat
« Ils sont complètement perdus, juge François Thiollet, secrétaire national adjoint des Écologistes. Certains observateurs estiment que tout ça est très calculé, mais tout ça est très incohérent. Je pense que le mouvement du 10 septembre leur a mis la pression pour solliciter un vote de confiance deux jours avant. François Bayrou a voulu prendre tout le monde à contrepied. Mais il se prend les pieds dans le tapis. Il est face à la réalité : ce gouvernement tient uniquement grâce à la bienveillance de l’extrême droite. »
Incantation
La députée Ensemble pour la République (EPR) Nicole Dubré-Chirat le concède : « Sa campagne est un peu tardive. Ça ressemble un peu à un sauve-qui-peut. Il aurait fallu commencer dès le 15 juillet pour expliquer aux Français que le pays est dans une dette abyssale. » En Macronie, plus personne ne se fait d’illusion sur le sort de Bayrou. Et pour la suite, on plaide encore et encore pour la constitution d’une coalition rassemblant les forces dites « républicaines », du PS aux Républicains (LR). Une incantation répétée depuis 2022, quand la macronie s’était retrouvée en situation de majorité relative à l’Assemblée.
Si on renomme un gouvernement issu du bloc central sans ouverture à gauche, ça ne fonctionnera pas.
C. Marion
« Ça ne dépend pas que du président. Si on renomme un gouvernement issu du bloc central sans ouverture à gauche, ça ne fonctionnera pas. Mais s’il n’y a pas de volonté de la gauche de participer à ce gouvernement, ça ne fonctionnera pas mieux, expose le député EPR Christophe Marion. Et ce n’est pas le débauchage d’individus qui débloquera la situation. Il faut que le PS décide de prendre ses responsabilités et de travailler avec nous en raison de l’état du pays. C’est la seule option. »
Nicole Dubré-Chirat partage l’analyse : « Après la dissolution, nous n’avons pas réussi à former de coalition de travail, mais ça reste encore possible. J’ai espoir qu’il y ait des personnes, à l’intérieur des groupes politiques au sein des LR, de Liot et du PS, qui soient capables d’avancer ensemble et sortir la France de cette situation budgétaire. » « Il faut juste que, dans un cadre d’union nationale comme notre pays en a connu tant, nous puissions baisser un peu les intérêts privés et regarder l’intérêt général », a estimé Gérald Darmanin à Tourcoing (Nord) le 31 août, jour de sa rentrée politique.
Encore faut-il déjà conserver ce fragile « socle commun ». Car l’alliance entre la macronie et la droite s’effrite de jour en jour. Opposés au plan budgétaire de Bayrou et énervés par la méthode très solitaire du premier ministre qui n’a pas du tout repris les propositions budgétaires présentées par Laurent Wauquiez le 2 juillet, les députés de la Droite républicaine ne devraient pas voter pour la confiance comme un seul homme. Le député EPR Christophe Marion les critique : « Ce sont des députés qui se positionnent pour les prochaines législatives. » Débâcle annoncée.
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