« C’est mort ou presque » : de très vive voix

Joachim Latarjet donne forme à un épatant seul-en-scène musical irrigué par la poésie organique de Charles Pennequin.

Jérôme Provençal  • 28 septembre 2025 abonné·es
« C’est mort ou presque » : de très vive voix
Le comédien-musicien incarne au fil de saynètes musicales un personnage qui plonge en lui-même, fait affleurer ses souvenirs et donne libre cours à sa pensée autant qu’à son imaginaire.
© Christophe Raynaud Delage

C’est mort (ou presque) / à Paris / L’Athénée / jusqu’au 4 octobre.

Comédien, musicien, auteur et metteur en scène, Joachim Latarjet fait vibrer les planches des salles de spectacle par des biais divers. Son activité créatrice s’effectue en particulier via la compagnie Oh ! Oui… Fondée en 2002 avec la comédienne Alexandra Fleischer, cette structure pratique un théâtre à forte teneur musicale orienté vers les écritures contemporaines. C’est mort (ou presque) fait partie des créations récentes de la compagnie. La pièce – que l’on a pu voir en juillet 2024 lors du Festival Off d’Avignon – puise sa matière première dans le corpus ô combien vivifiant de Charles Pennequin.

Composer à partir de ces textes est apparu comme une évidence car les mots de Pennequin sonnent bien.

J. Latarget

Ancien gendarme devenu poète, celui-ci expérimente une parole hyper organique, aux remuements très rythmiques, proche de la poésie sonore. Il la transmet à l’écrit, par des livres (publiés notamment chez POL), et à l’oral, lui donnant corps et voix lors de performances. « Je l’ai découvert d’abord comme performeur, nous confie Joachim Latarjet. J’aime beaucoup son langage : pluriel, ouvert, quelque part entre poésie et philosophie sans jamais se réduire à l’une ni à l’autre. »

Polyphonie intérieure

Les textes qui composent la trame de C’est mort (ou presque) proviennent en grande partie du recueil Pamphlet contre la mort (POL, 2012). « On rit beaucoup en le lisant, souligne Joachim Latarjet dans sa note d’intention. Il y a de l’excès, de l’humour. Composer à partir de ces textes est apparu comme une évidence car les mots de Pennequin sonnent bien. J’ai eu envie de les faire miens, de donner à entendre ce qu’ils expriment de colère, de rage, de drôlerie irrésistible, de profonde mélancolie»

Seul au plateau, assis mais très mobile (y compris au niveau du visage), le comédien-musicien incarne au fil de saynètes musicales un personnage qui plonge en lui-même, fait affleurer ses souvenirs et donne libre cours à sa pensée autant qu’à son imaginaire. Du parlé au chanté, il jongle vocalement entre plusieurs micros sur pieds disposés autour de lui, chacun apportant une tessiture particulière.

Ainsi joliment mise en relief, la polyphonie intérieure du personnage s’accompagne de compositions (très) originales, ludiques et entêtantes. Véritable homme-orchestre, Joachim Latarjet les interprète en usant d’instruments divers (guitare électrique, basse, tuba, trombone, mini-clavier…) et en créant des boucles répétitives à partir de certains passages. Un jeu subtil de lumières et d’ombres parachève la scénographie. Dynamique et insolite, souvent fantasque, l’ensemble déborde allégrement de vie.

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