Campagne d’affichage à Strasbourg : l’islamophobie décomplexée
Sous couvert de défense de la « laïcité », l’extrême droite a lancé une polémique islamophobe sur une campagne d’affichage à Strasbourg. Polémique dans laquelle nombre d’hommes et de femmes politiques, même à gauche, sont tombé·es…
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© Ville de Strasbourg
Le 2 octobre, la mairie de Strasbourg diffusait une campagne d’affichage municipale dans le cadre de la journée internationale des aîné·es. Huit affiches exposaient les portraits d’hommes et de femmes strasbourgeois·es, bénévoles et âgé·es. Parmi elles, une a été l’objet d’une campagne islamophobe dont les mécanismes sont largement routinisés. Elle présente une femme, Nacera ; souriante, elle porte un foulard orange qui couvre ses cheveux.
Tout commence par l’accusation portée par une personnalité politique, ici Emmanuelle Brisson, cadre des jeunes Les Républicains (LR), qui publie la photo sur les réseaux sociaux avec un commentaire accusatoire contre la mairie de Strasbourg. S’ensuivent un ciblage et la stigmatisation contre Nacera et la mairie de Strasbourg, incriminée dans son choix.
Premier acte typique de ces polémiques islamophobes, l’instrumentalisation politicienne qui procède par déshumanisation et accusation complotiste contre la maire accusée de complicité d’islamisme. Les caractéristiques de cette campagne islamophobe sont doubles.
D’une part, la polarisation à visée électorale prouve le nivellement lepéniste de femmes et d’hommes politiques, même au Parti socialiste, qui reprennent l’interdiction extensive de la liberté d’expression religieuse dans l’espace public (une proposition législative du Rassemblement national). D’autre part, la polarisation politique s’appuie sur la criminalisation de la mairie écologiste en l’accusant d’islamogauchisme et de complaisance avec l’islamisme.
La polarisation à visée électorale prouve le nivellement lepéniste de femmes et d’hommes politiques, même au Parti socialiste
Cette polémique n’a rien d’inédit. En effet, plusieurs campagnes dans lesquelles apparaissaient des femmes qui portent un foulard (le Conseil de l’Europe, une campagne de la FCPE) ont fait polémique avec à peu près les mêmes mécanismes. S’il y a une leçon à tirer de celle-ci, c’est que le déni de l’islamophobie n’a pas gagné les rangs des écologistes.
Marine Tondelier a nommé avec force l’islamophobie qui vise cette campagne. Les écologistes ont rappelé les valeurs et l’État de droit qui sont justement menacés par cette séduction fasciste, ce qu’est le principe de laïcité, objet d’une interprétation politique fallacieuse depuis plus de vingt ans.
Alors, qu’est-ce qui a changé ? La seule explication possible est celle du travail des féministes et des antiracistes sur l’intersectionnalité des luttes. La lutte contre l’islamophobie est un combat féministe, antiraciste et éminemment démocratique car il rappelle l’importance de ne pas céder les libertés fondamentales qui sont le socle des démocraties.
Mais le déni est toujours aussi présent sur les chaînes publiques et privées. Alors que la polémique sur l’affiche a occupé d’innombrables plateaux, aucun n’a jugé nécessaire de mentionner le récent sondage de l’Ifop pour l’Observatoire des discriminations envers les musulmans en France. Les chiffres sont pourtant alarmants. On apprend que « deux musulmans sur trois déclarent avoir subi un comportement raciste en cinq ans, soit un taux trois à quatre fois plus élevé que celui constaté dans l’ensemble de la population (20 %) ou chez les adeptes des autres religions (18 %) ». On apprend également que la laïcité n’est pas toujours respectée dans les services publics, où on observe une banalisation des discriminations en leur sein.
L’islamophobie au quotidien ne se limite à aucun espace, qu’il s’agisse des services publics, de l’accès au logement, au travail ou dans l’espace public. La laïcité garantit cette liberté fondamentale qu’est la liberté de conscience, qui comprend celle de manifester sa religion, l’égalité entre les cultes et la neutralité de l’État et de ses représentants, qu’il est nécessaire de rappeler face à cette tentative d’imposer une conception de la laïcité prohibitive.
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