« Un poète » mal armé dans l’existence

Dans son film, le Colombien Simón Mesa Soto mêle le comique et le pathétique.

Christophe Kantcheff  • 28 octobre 2025 abonné·es
« Un poète » mal armé dans l’existence
Là où on s’attendait à ce que le naturalisme occupe tout l’espace du film, une forme de comique vient troubler la tendance au mélodrame.
© Epicentre Films

Un poète / Simón Mesa Soto / 2 h.

« Je suis un poète », dit Oscar. « Tu es un chômeur », lui réplique sa sœur. Il est vrai qu’Oscar, la quarantaine bien sonnée, vit encore chez sa mère, rechigne à rester enseignant et, par ailleurs, est juste toléré chez son ex-femme pour qu’il puisse voir sa fille, qui le méprise. Oscar avait pourtant bien commencé puisqu’il avait remporté des prix littéraires importants. Mais c’était il y a longtemps. S’il fréquente encore ses confrères à la Maison de la poésie, ceux-ci le tiennent ouvertement pour un raté.

Autant dire que l’existence d’Oscar n’est pas au beau fixe. Mais une éclaircie semble survenir quand il découvre le talent très prometteur d’une de ses élèves, Yurlady (Rebeca Andrade). L’adolescente appartenant à une famille nombreuse et pauvre de Medellín, il lui propose de l’aider, avec pour objectif sa participation à un festival de poésie.

Un poète, deuxième long métrage du Colombien Simón Mesa Soto, est un film intriguant pour différentes raisons. La première est qu’il entremêle les genres. Là où on s’attendait à ce que le naturalisme, avec son flot misérabiliste à peine allégé par des éclats de poésie, occupe tout l’espace, une forme de comique vient troubler la tendance au mélodrame. Le comédien incarnant Oscar en est le principal responsable. Avec son corps chétif et son visage rappelant celui d’un batracien, l’acteur non professionnel qui l’incarne, Ubeimar Rios, oscille entre le burlesque et le pathétique.

Poésie prétexte ?

S’y ajoute une dose de critique sociale concernant les mœurs littéraires. En particulier quand le poète le plus en vue conseille à Yurlady d’écrire des poèmes intégrant les discriminations dont elle est la victime, une recette facile pour toucher le public.

Il reste cependant que le film bute sur un obstacle : la ­poésie. Le peu de cet art que l’on y entend, quel qu’en soit l’auteur, étant d’un niveau assez médiocre, le fait qu’Oscar soit considéré comme un poète raté relève, aux yeux du spectateur, davantage du stigmate social que d’un jugement littéraire spécifique. D’où l’impression qui vient : la poésie ne servirait-elle que de prétexte à une histoire de destin prédéterminé (Yourlady) et de réconciliation filiale ?

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes