Sarah Lélé, écoutez-la blaguer

C’est en mettant les pieds à Bruxelles en 2024 qu’on découvre Sarah Lélé dans un tout-frais-tout-neuf comedy club, le Petit Kings, petit frère d’une institution du rire de la capitale, où les humoristes se succèdent pour débiter des tranches de rire.

Louis Bolla  • 26 octobre 2025 abonné·es
Sarah Lélé, écoutez-la blaguer
© DR

La Mauvaise Éducation de Sarah Lélé / Sarah Lélé / 1 h / Théâtre des Mathurins, Paris 8e et en tournée.

Cette stand-uppeuse belge d’origine camerounaise, qui a grandi à Anderlecht et a commencé la scène à 14 ans (!), fait alors déjà frémir les salles de Saint-Gilles et de l’au-delà bruxellois sans que le monde de l’humour extra-local ne soupçonne son existence. Un an plus tard, épaulée par le producteur français Thierry Suc (qui produit notamment Florence Foresti), l’ex-étudiante en droit passe la frontière et pose ses valises à Paris, six mois au théâtre Le Contrescarpe et depuis septembre au Théâtre des Mathurins.

Sarah Lélé, 22 ans, a tout d’une grande, mais son plongeon dans ce nouveau bain se fait progressif pour ne pas risquer l’hydro­cution. Elle ne joue ainsi que son premier spectacle. Dans La Mauvaise Éducation de Sarah Lélé, l’humoriste raconte avec une oralité de révérende les dissonances et ruptures que sa double culture suscite, de la recherche d’identité au retour aux racines en passant par les discriminations et le racisme. « Noire » à Bruxelles, « Blanche » à Yaoundé.

Stand-up décolonial décomplexé

Sarah Lélé choisit le rire pour pétrir ce métissage, raillant son père aux commentaires homophobes, eu égard à son éducation à la camerounaise, un pays où l’homosexualité est encore criminalisée ; parlant de football, cette langue universelle, et des grandes séquences comme la Coupe du monde ou la Coupe d’Afrique des nations. Et aussi de la France, seul pays où l’on gifle un président, s’exalte-t-elle, bien que longtemps rétive à l’idée d’y mettre les pieds pour développer sa carrière, par esprit de corps belge.

À son tour, Sarah Lélé distribue quelques baffes symboliques aux ­Français, pour rendre la monnaie de sa pièce à ce peuple de petits coqs perçu comme méprisant par le « plat pays ». Sa maturité scénique est étonnante. Sa générosité, semblable à celle d’un Thomas Ngijol (influence revendiquée), irradie. Si l’on devait théoriser un style, ce pourrait être un stand-up décolonial décomplexé, bourré d’autodérision et de fumisterie. Qualités que les Belges et les Camerounais savent, Dieu merci, cultiver.

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Spectacle vivant
Temps de lecture : 2 minutes