« Pompei Sotto le Nuvole », la menace du volcan
Gianfranco Rosi filme Naples entre passé et présent, entre nuages et espoir.
dans l’hebdo N° 1889 Acheter ce numéro

© Météore Films
Pompei Sotto le Nuvole / Gianfranco Rosi / 1 h 52.
Naples, le Vésuve, Pompéi. Trois noms qui relèvent du mythe. On n’y installe pas sa caméra, comme l’a fait Gianfranco Rosi, comme s’il s’agissait de terres vierges de représentations et de cinéma. C’est sans doute pourquoi son documentaire est troué à deux ou trois reprises par des extraits d’œuvres du passé : le célébrissime Voyage en Italie (1954) de Roberto Rosselini, ou Les Derniers Jours de Pompéi (1913) de Mario Caserini et Eleuterio Rodolfi.
Le poids de l’histoire y est tout aussi impressionnant. Il y faut un certain aplomb pour filmer au présent. Suivre l’activité d’une équipe de pompiers permet de s’y tenir. C’est le fil rouge de Pompei sotto le nuvole (« Pompéi sous les nuages ») : nous sommes dans la cellule d’écoute des pompiers, là où ils reçoivent les appels, de tous ordres, des habitants. Souvent effrayés parce qu’un tremblement de terre vient d’avoir lieu, ou en pleine crise de violences conjugales, ils appellent au secours ou pour être rassurés.
On retrouve ce parfum d’angoisse auprès des ouvriers-marins syriens qui doivent décharger des milliers de tonnes de blé venant d’Ukraine. Ils redoutent le retour là-bas, du côté d’Odessa, sous le feu des bombes russes. Impossible, malgré tout, d’ignorer le puits des époques ancestrales : on y plonge avec une équipe de scientifiques japonais accomplissant des fouilles, le marché de l’archéologie, comme celui du blé, étant mondialisé.
Fragilité
Dans le même temps, on suit les pérégrinations d’un procureur dans des tunnels creusés par des voleurs de vestiges romains – le sous-sol de Naples est presque un gruyère –, effaré de voir ce patrimoine vandalisé et évaporé. Au musée, des conservateurs visitent des statues nuitamment, comme pour les protéger.
Un sentiment de précarité, de fragilité émane du beau documentaire de Gianfranco Rosi. Comme si la ville se tenait au bord d’un effondrement, de la même manière que Pompéi a été recouverte de lave puis de cendres en un rien de temps. Ce qui pourrait être un chant funèbre, fondu dans le noir et blanc, les fumées et les nuages, est contrebalancé par quelques séquences dans l’arrière-boutique d’un vieux commerçant faisant répéter les leçons de l’école aux enfants du quartier. Ainsi s’ouvre doucement la croyance dans un avenir sans secousse ni explosion.
Pour aller plus loin…
« Franz K. », l’être au père rustre
« C’est comme si Chris Marker me tendait la main »
« Deux procureurs » : un bleu chez les Rouges
