« Laurent dans le vent », sur une bonne pente

Un jeune homme sort de dépression au gré de rencontres douces et originales.

Christophe Kantcheff  • 17 décembre 2025 abonné·es
« Laurent dans le vent », sur une bonne pente
Le film se tient sur une crête où se mêlent humour, réalisme et petite dose de fantasmagorie.
© Arizona Films / Mabel Films

Laurent dans le vent / Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon /1 h 41. Sortie le 31 décembre 2025.

Observons le titre, Laurent dans le vent. Stylistiquement, au figuré, c’est une image. Au cinéma, cela peut aussi correspondre à un plan. Exemple : celui qui ouvre le deuxième long métrage d’Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon. On y voit quelqu’un, ou plus exactement ses chaussures et le bas de son pantalon, sans doute juché sur un parapente, au-dessus des arbres. On reconnaîtra ensuite que ces chaussures appartiennent au protagoniste, Laurent (Baptiste Perusat). Mais ce sera le seul plan de ce genre – Laurent ne pratique pas cette activité aérienne.

Les cinéastes l’ont donc placé là, comme un exergue, pour suggérer qu’on va faire connaissance avec quelqu’un qui plane, n’a pas les pieds sur terre. Alors on pourrait dire : c’est aussi simple que cela. En effet, dans Laurent dans le vent, il y a une sorte d’évidence, autant dans la menée de l’intrigue que dans la mise en scène. Voilà un film « rafraîchissant », au sens où il ne s’embarrasse pas des figures obligées de scénario ou des logiques de casting, de toutes ces contraintes qui pèsent sur nombre de films français.

Laurent arrive dans une station de sports d’hiver un peu avant la saison, quand elle est encore vide. Il vient s’y reposer, prendre un bol d’air pur après des temps difficiles où il a connu l’hôpital psychiatrique et la dépression. Il est seul, sans attaches – hormis les appels téléphoniques venant de sa sœur, parisienne, lui demandant s’il va bien – et disponible aux rencontres.

Par exemple, au cours d’une de ses excursions, il découvre une vieille femme, Lola (Monique Crespin), immobile sur une chaise de jardin en plein froid. Il la ramène chez elle, où, fragile, elle demeure au lit. Elle l’invite à boire de la goutte avec elle, lui demande fréquemment une cigarette, et tous deux se parlent juste ce qu’il faut. Un lien s’instaure, doux, choisi, bienveillant, le type même de relation qui fait autant de bien aux deux.

On songe au cinéma d’Alain Guiraudie, sans que la référence soit appuyée ni même revendiquée.

À un autre solitaire, Farès (Djanis Bouzyani), photographe d’occasion au bord d’une route déserte de montagne, ­Laurent confie qu’il n’a pas travaillé depuis longtemps. Son dernier job : rassembler des Caddies dans un supermarché, qui s’est soldé chez lui par une grave crise. « Je ne me voyais pas faire ça toute ma vie. » Tandis que Farès avait un rêve trop grand pour lui, celui d’être danseur. Leur échange pourrait être misérabiliste. Pas le moins du monde, tant le film se tient sur une crête où se mêlent humour, réalisme et petite dose de fantasmagorie.

Ainsi, un berger ne cesse de battre la campagne à la recherche de sa « chèvre magique », qui produit du lait sans avoir mis bas. On songe au cinéma d’Alain Guiraudie, sans que la référence soit appuyée ni même revendiquée.

Atmosphère libertaire

Quand les touristes envahissent les pistes, ceux-ci restent en arrière-plan, comme un décor idiot – la seule scène où ils entrent vraiment dans le champ, donnant lieu à une confrontation entre Laurent et un enfant, est d’un comique achevé (et là, autre référence, on pense à Luc Moullet). Laurent continue ses rencontres avec des excentriques du lieu. Se retrouvant sans toit, il loge chez une mère et son grand fils. Elle, Sophia (Béatrice Dalle), a connu une vie chaotique en Amérique du Sud et élevé seule son garçon. Lui, Santiago (Thomas Daloz), ne jure que par l’univers des Vikings.

Il y a aussi du roman d’apprentissage dans ce film.

Aussi original qu’il puisse paraître, son rêve est celui d’une société pacifiée, solidaire, où l’harmonie règne. Laurent approuve et, de proche en proche, c’est finalement tout le film qui baigne dans cette atmosphère un brin libertaire, où le bonheur simple pourrait être une idée neuve – sans pour autant que les malheurs de la vie soient édulcorés.

Il y a aussi du roman d’apprentissage dans ce film, ou plus exactement un réapprentissage passant par la tendresse et l’amour, plus efficaces que toutes les thérapies chimiques. Sur Laurent, les effets sont manifestes, qui retrouve le désir et une confiance en lui. Voilà un personnage à qui on peut désormais souhaiter… bon vent !

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Cinéma
Temps de lecture : 4 minutes