35h : vifs débats en perspective

Thierry Brun  • 19 juin 2008
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Le projet de loi sur la représentativité et la réforme du temps de travail sera examiné par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le mardi 24 juin et le texte sera présenté à l’Assemblée en première lecture le mardi 1er juillet (début de la session extraordinaire). Commentaires de députés de gauche : « Ça va être vite expédié ! ». Mais les débats promettent d’être violents. En témoigne la question au gouvernement posée le 17 juin par la députée (Verts) Martine Billard, que vous pouvez lire ci-dessous.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

Monsieur le ministre, il est scandaleux de profiter de la « Position commune sur la représentativité », signée par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME, pour introduire un bouleversement de la durée du temps de travail pour des raisons purement idéologiques.

Votre esprit revanchard ne se limite pas à supprimer les lois Aubry. Votre projet de loi autorise la semaine de 48 heures, par accords d’entreprises. Ce sont toutes les luttes sociales – celles qui, en 1936, avaient permis d’établir la semaine de travail à 40 heures – que vous faites voler en éclats. Vous nous ramenez à 1919 et à la première convention internationale sur la semaine de 48 heures.

Suppression des repos compensateurs ; modulation à l’année décidée arbitrairement par les employeurs ; extension aux non-cadres des régimes de forfaits en heures à l’année ; négociations de gré à gré entre employeur et employé sur le temps de travail ainsi que sur le dépassement des forfaits en jours, alors que, pour ces derniers, l’article L. 3121-45 du code du travail permet de dépasser les dix heures journalières et les quarante-huit heures hebdomadaires.

Des études ont établi la relation évidente entre temps de travail prolongé et accidents du travail. Nous assistons déjà à une augmentation des maladies professionnelles, qui conduisent à l’inaptitude au travail, ou à une augmentation des suicides.

Cumulée aux quarante et un ans pour partir en retraite, cette hausse globale du temps de travail aura des conséquences néfastes pour la santé des travailleurs.

Vous dénoncez les 35 heures, mais le temps libéré a permis de développer des activités comme le tourisme, le bricolage ou le jardinage. Avec les 48 heures, ces secteurs économiques seront fragilisés. Les 35 heures, c’est du temps dégagé pour s’occuper des enfants, ou pour aider les parents âgés dépendants. Les 48 heures, c’est un coup porté contre la famille. Les 35 heures ont dégagé des milliers de bénévoles pour les associations sportives, culturelles, sociales ou humanitaires. Les 48 heures, c’est la fin des solidarités sociales. Le temps de travail entreprise par entreprise, c’est la casse des accords collectifs, c’est la porte ouverte au dumping social.

Monsieur le ministre, vous ne laissez aux salariés que le choix entre détruire leur santé en travaillant plus ou se serrer la ceinture. Allez-vous retirer ce projet de loi ?

Réponse de Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

Madame la députée, une accumulation de contrevérités n’a jamais fait une vérité.

Dans ce texte, la durée légale du travail reste à 35 heures, et, comme aujourd’hui, on pourra payer les heures supplémentaires à partir de la trente-sixième heure. La durée maximale du travail reste inchangée en France, de même que le temps de repos quotidien et la durée du repos hebdomadaire.

Toutefois, il faut songer à ce que j’ai vu hier, avec Chantal Brunel, dans une entreprise de Seine-et-Marne où les représentants du personnel m’ont dit que, s’il y avait davantage de place pour la négociation dans l’entreprise, ils sauraient et voudraient faire en sorte de permettre une certaine souplesse en cas de besoin.

Si dans une entreprise il y a un peu plus de travail au mois de mars et que les salariés sont prêts à travailler plus, en échange de contreparties salariales, ils sont preneurs. Alors qu’aujourd’hui, tels qu’ils sont fixés, les contingents d’heures supplémentaires ne leur offrent pas cette possibilité.

À l’époque, vous avez voulu mettre dans la même case toutes les entreprises de France, quels que soient leur secteur d’activité et leur taille. Cela ne marche pas ! Les 35 heures ont freiné l’économie, elles ont empêché la progression des salaires des Français, elles ont désorganisé le travail dans nombre d’entreprises.

Ce que nous voulons, nous, c’est que l’on puisse trouver les bonnes solutions au sein de l’entreprise, avec cette garantie qu’apportera un accord des représentants du personnel.

Nous sommes et nous resterons, avec les parlementaires de la majorité, ouverts aux suggestions et aux remarques des uns et des autres.

Mais une chose est sûre : nous, nous avons trouvé la solution juste et équilibrée pour répondre aux attentes des entreprises et des salariés français.

Temps de lecture : 4 minutes
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