Crises : études à contre-courant

Thierry Brun  • 17 octobre 2008
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Les analyses de la crise financière abondent en ce moment. Mais elles sont peu nombreuses à expliquer que cette crise est systémique et que la fiction des marchés autorégulés sont en échec, bref que le capitalisme et le libéralisme sont en cause.

Hors des gourous de la pensée unique libérale, qui apparaissent dans les grands médias, nombre d’études et analyses sont à recommander. On signalera en tête les récents actes de la conférence intitulée « Crise financière : que doit proposer la gauche ? ». Organisée le 15 octobre par l’aile gauche du parti socialiste (http://www.unmondedavance.eu) cette conférence réunit les interventions de Liêm Hoang-Ngoc (« D’une grande crise à l’autre »), de Frédéric Lordon (« 4 principes et 9 propositions pour en finir avec les crises financières »), de Jacques Sapir (« La crise économique et financière de l’automne 2008 : de la crise de liquidité à la crise de modèle ») et de Pierre Larrouturou (« Comprendre et agir »).

Voici un extrait de l’intervention de Jacques Sapir :
« En France où le crédit hypothécaire est peu développé, l’appréciation de l’Euro est dévastatrice. En incluant tous les effets, elle provoque une baisse de la croissance de 0,6 % à 1 %. Par ailleurs les banques françaises ont procédé depuis début 2008 a un notable rationnement du crédit. Depuis la campagne présidentielle de 2007, notre pays est présenté de manière quasi-hystérique comme en état de surendettement pour justifier une politique de rigueur budgétaire. La réalité des faits est très différente, et la situation globale de la France plus favorable que chez nos voisins.

La France aurait dû pouvoir traverser la crise au moindre mal. Il n’en sera rien, car la politique du gouvernement Fillon depuis l’été 2007 aggrave les effets de la crise financière. Elle vise à réaliser une déflation pour accroître la compétitivité. Cependant, l’effet direct détériore le pouvoir d’achat déjà sous pression de la concurrence internationale pour les travailleurs à qualification faible ou moyenne, et l’effet indirect est équivalent à un effet de richesse négatif conduisant les ménages à modérer brutalement leurs dépenses.
Compte tenu de la hausse de l’Euro, il n’y aura pas d’effet positif du commerce extérieur et les réformes actuelles vont accroître la vulnérabilité globale de l’économie française face à la crise.
La croissance française sera plus faible que prévue en 2008 et une récession est à craindre au printemps 2009. La politique Fillon est le pendant moderne de la politique de Pierre Laval en 1935. »
D’excellentes analyses et contributions sont aussi à signaler, notamment celles du courant Utopia (http://www.utopia-terre.fr/), présent dans le parti socialiste et chez les Verts. C’est un mouvement trans-partis de gauche qui a publié un manifeste, avec un avant-propos prémonitoire d’André Gorz, intitulé : « La sortie du capitalisme a déjà commencé ». Le manifeste, publié chez Parangon/Vs, est titré : « Mais alors, dit Alice, si le monde n’a aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? ».
A gauche toujours, on lira avec attention les analyses de la crise économique des « économistes progressistes », une nouvelle rubrique de l’hebdomadaire de la LCR, Rouge. Le numéro du 16 octobre (n° 2270) a présenté des entretiens avec Jean-Marie Harribey, coprésident d’Attac, et avec Michel Husson, membre du conseil scientifique d’Attac, par ailleurs deux des chroniqueurs « A contre-courant » que l’on peut lire aussi dans l’hebdomadaire Politis.

A souligner aussi l’initiative d’Attac France qui a créé Spéculand, le blog de la crise (http://www.france.attac.org/spip.php?rubrique1107). L’association altermondialiste « met les compétences des membres d’Attac au service d’une contre-information face au déferlement médiatique quotidien sur la crise ». On y lira notamment de courtes analyses des membres du conseil scientifique. A lire : « Briser l’engrenage des crises ».
Rappelons enfin les chroniques économiques de Politis « A contre-courant » existent depuis bientôt six ans. 9 socioéconomistes animent cette chronique : Geneviève Azam, Thomas Coutrot, Gérard Duménil, Jean Gadrey, Jean-Marie Harribey, Liêm Hoang-Ngoc, Michel Husson, Dominique Plihon, Christophe Ramaux. Voici la première chronique publiée le 10 avril 2003 par Dominique Plihon. Visionnaire !

Temps de lecture : 4 minutes
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