Sous La Jupe, «Un Gros Cul» De «Femme Ordinaire»

Sébastien Fontenelle  • 10 juillet 2009
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Illustration - Sous La Jupe, «Un Gros Cul» De «Femme Ordinaire»

Dans Paris Match , le 28 mai 2009, Isabelle Adjani revient sur le (courageux) film de long métrage La Journée de la jupe , sorti en avril dernier, où elle joue Sonia Bergerac, prof de français dans une banlieue (évidemment) difficile, qui « pète les plombs face à des élèves qui la provoquent » , et qui, armée d’un gun (évidemment) trouvé dans le sac d’un de ces bariolés sauvageons, «prend sa classe en otage» – et dont « nous apprenons au cours du film» , comme l’a souligné un Finkie en pâmoison, qu’elle «est elle-même d’origine arabe, mais qu’elle n’a jamais voulu le dire pour capter la bienveillance de ses élèves» – car «nous sommes dans une école laïque» .

(De sorte que, chacun(e) l’aura saisi: le message du film, comme on se disait l’autre fois, est (aussi) que la bonne Arabe est une Arabe qui a le bon goût de taire qu’elle est arabe quand ça ne se voit pas sur sa gueule – et quand de surcroît elle a la chance extraordinaire de s’appeler Bergerac, qui est, convenons-en, un patronyme peu courant hors de nos frontières.)

C’est «dans le jet privé, affrété par Lancel, qui» les «ramène de Cannes à Paris» , Ghislain Loustalot (de Paris Match [^2]) et elle, qu’Isabelle Adjani, «aux anges» , revient, comme je disais plus haut (ça serait quand même bien que tu suives un peu), sur sa prestation remarquée (par Finkie, mais pas que) dans La Journée de la jupe – et tu vas voir que ça mériterait, si le monde était mieux fait, qu’on lui confie (à tout le moins) la rédaction en chef des Cahiers du cinéma .

C’est son interlocuteur, Ghislain Loustalot donc, véritable héros du journalisme éLancelisé[^3], qui introduit ce merveilleux moment de cinéphilie des sommets, en lui posant l’une de ces fameuses questions, exagérément impertinentes, qui font que Paris Match est mondialement considéré comme La Mère De Tous Les Organes De Presse: «Vous avez perdu du poids, est-ce une volonté?»

(Je répète la question de Ghislain Loustalot, pour le cas où tu n’aurais pas complètement pris la mesure de son audace: «Vous avez perdu du poids, est-ce une volonté?»

Je te propose de la noter sur un petit calepin, et de te la relire, aux longues soirées de l’hiver prochain – qui ne saurait tarder à nous tomber sur le coin de la gueule, vu le temps de m**** qui s’est installé sur nos têtes depuis l’élection, il y a deux ans, de Qui Tu Sais.)

Manifestement déstabilisée par l’extravagante effronterie de Ghislain Loustalot, Isabelle Adjani répond (tout de même) que, oui, neffet, elle a «beaucoup minci» , mais «sans faire de régime spécial» .

Mais avant (de faire cette bouleversante révélation), elle déclare ceci, dont je te prie, amie, surtout si tu es prof, surtout si tu es prof de français, surtout si tu es prof de français dans un collège de BD[^4], de bien peser chaque mot, afin que d’en sucer la substantifique moelle: «Quand je mène une vie pépère, popote, famille, quand je ne travaille pas, j’ai un côté mamma. Le physique n’est plus une priorité. C’était le cas au moment où on m’a proposé La Journée de la jupe , que j’ai pris le risque de faire avec des kilos en trop, avec un gros cul, des grosses joues. Et alors? Qu’est-ce que ça pouvait faire puisque je jouais une femme ordinaire?»

Je résume, si tu veux bien, la pensée adjanique: gros cul – grosses joues – femme ordinaire.

C’est beau comme des mathématiques: on dirait presque une équation.

Gros cul + grosses joues = femme ordinaire.

Et je te laisse méditer l’ancien proverbe Chinois, généralement attribué à 莊子, qui dit comme ça que l’arrogance (repue de soi) et le mépris peuvent parfois mettre un peu de temps à s’imposer pour ce qu’ils sont, mais qu’il arrive aussi qu’on les attrape au vol (spécialement affrété) – sans régime spécial.

[^2]: Je voudrais lancer ici un appel un peu solennel aux gens de chez Lancel: si vous avez une petite place, dans votre prochain jet privé, je serais assez preneur, mais seulement s’il y a du champagne. Sinon, pas la peine de m’appeler: j’ai quand même des principes, m**** alors, j’ai pas fait quinze ans de déontologie intensive pour me laisser refiler du Tang sur un Paris-Clermont-Ferrand.

[^3]: Entre ici, Ghislain Loustalot!

[^4]: Banlieue difficile.

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