Hollande se dit pas engagé par l’accord PS-EELV

**France 2 diffusait hier soir la première de deux émissions spéciales consacrées à l’élection présidentielle. Le candidat socialiste y a affirmé qu’une fois élu, le gouvernement appliquera «son» programme et rien d’autre.**

Michel Soudais  • 12 avril 2012
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Hollande se dit pas engagé par l’accord PS-EELV
France's opposition Socialist Party (PS) candidate for the 2012 French presidential election Francois Hollande (R) takes part in the TV broadcast show "Des paroles et des actes" hosted by journalist David Pujadas (L) on a set of French TV channel France 2, on April 11, 2012 in Paris.
© AFP PHOTO POOL / THOMAS SAMSON

Cinq des dix candidats se sont succédé sur le plateau de « Des paroles et des actes » hier soir dans une sorte de grand oral. A aucun moment ils se sont affrontés. Ce qui ne les a pas empêché de se croiser en coulisses sous l’œil voyeur des caméras, ravies de filmer la bise de François Hollande à Eva Joly ou les encouragements adressés par le candidat du PS à l’ouvrier-candidat du NPA .
Au moins deux candidats dits « grands » (par le fait qu’ils disposent des plus gros budgets), François Hollande et Nicolas Sarkozy, n’avaient accepté de participer à cet exercice qu’à la condition expresse qu’aucune confrontation ne serait organisée entre candidats. Ce refus du débat mû par la crainte de perdre des points dans les sondages a bien évidemment considérablement amoindri l’intérêt de cette émission transformée en un défilé des prétendants à la distinction suprême, soumis 15 minutes durant aux questions des quatre journalistes attitrés de l’émission.

De cette séance bien éloignée de ce que les électeurs peuvent attendre d’un débat démocratique, la tendance sera sans doute de ne retenir une fois de plus que les petites phrases des candidats. Premier à entrer en scène, Nicolas Dupont-Aignan qui affirme avoir toujours « détesté les consignes de vote » , a ainsi déclaré qu’il ne « voterait pas pour un charlatan quel qu’il soit » . Eva Joly quant à elle s’est présentée comme « coincer entre la gauche molle qui ne promet rien et la gauche folle qui promette tout » , affirmant incarner « la gauche raisonnable » . François Hollande, en réponse à une question sur son rival, Nicolas Sarkozy, qui fait chaque jour une nouvelle proposition, a déclaré : « Je ne suis pas un candidat pochette surprise. » Marine Le Pen a surtout brandi un casse-tête sous forme de dessin, censé expliquer qu’il faut « sortir du cadre » de l’euro. Quant à Philippe Poutou il aura réussi un joli show propre à lui faire oublier qu’il se « fait chier depuis huit mois à faire des interviews » .

La seule véritable information à retenir concerne le devenir de l’accord conclu à l’automne dernier entre le PS et EELV. Au cours de l’émission François Hollande a clairement pris ses distances avec lui, affirmant que le projet qu’il a lui-même présenté « serait le programme du gouvernement» s’il est élu. « Un accord s’il a été signé entre les partis pour les circonscriptions, doit être respecté , a insisté le candidat socialiste. En revanche, sur le projet, ce que les Francais auront voté s’ils me choisissaient comme président de la République, le projet que j’ai présenté serait le programme du gouvernement. Qu’il n’y ait aucun doute là-dessus. »

Rappelons que cet accord prévoit une soixantaine de circonscriptions pour les écologistes (pour une bonne vingtaine de députés élus en cas de victoire de la gauche); huit circonscriptions posent encore problème à ce jour, selon le PS. Il prévoit également (naïf, j’allais écrire « surtout ») plusieurs volets programmatiques notamment une réduction de la part du nucléaire dans la production électrique à 50% en 2025 (75% aujourd’hui), la fermeture progressive de 24 réacteurs (sur 58 + 1 EPR, ndlr) et l’arrêt immédiat de Fessenheim. Si le député de Corrèze a affirmé à plusieurs reprises qu’il fermera cette dernière, il a également précisé que ce sera la seule fermeture de son quinquennat, son équipe soulignant que la mesure prendrait « un peu de temps » . Cette décision de fermeture n’est ainsi pas inscrite dans son plan d’action gouvernementale de la première année dévoilée le 4 avril.
N’y figure pas non plus le droit de vote des étrangers aux élections locales, inscrit dans son projet et dans l’accord PS-EELV. Or pour être effectif aux municipales de 2014, et respecter la règle non-écrite qui veut qu’on ne modifie pas les règles d’un scrutin à moins d’un an d’une élection, ce droit de vote devrait être adopté avant mars 2013.

Le 28 novembre, le candidat PS à l’Elysée avait déjà assuré qu’il n’appliquerait pas tout l’accord liant son parti à EELV mais juste les mesures à ses yeux « les plus essentielles » , affirmant qu’il n’était « pas le candidat d’un parti » . « Je ne serai pas le chef de la majorité, ce sera le Premier ministre. Je ne dirigerai pas le PS, ce sera le Premier ou la Première secrétaire » , a-t-il repris hier.
C’est à se demander à quoi ça sert que les dirigeants d’EELV se démènent comme des diables depuis trois semaines pour flinguer Jean-Luc Mélenchon et tenter d’enrayer la poussée du Front de gauche, si c’est pour être ainsi ignorés de celui qui, dès novembre, se présentait comme « le prochain président » . Et dont ils ne cessent de se dire proches.

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