Banque de l’ombre et titrisation, le cynisme des financiers pour les pays pauvres !

Ce n’est pas en endettant les pays en « développement » avec de la titrisation et du « shadow banking » comme prétend le faire la BM et le FMI, que des solutions, aux urgences climatiques, environnementales et sociales seront trouvées.

Nicolas Sersiron  • 22 octobre 2018
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Banque de l’ombre et titrisation, le cynisme des financiers pour les pays pauvres !
photo : DREW ANGERER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Voir la BM (Banque mondiale) et le FMI favoriser le « shadow banking » (1) et la titrisation (2) – responsables majeurs de la grande crise de 2007-2008 – pour financer le truc invraisemblable qu’on appelle les ODD (objectifs du développement durable) est insupportable. Une fois de plus il faut le redire les pays dits « développés » ne sont devenus riches et industrialisés que parce qu’ils ont pillé les ressources naturelles, humaines et financières des pays dits en « développement », cela depuis des siècles et plus particulièrement depuis un demi-siècle, justement depuis que le Club de Paris (3) existe. Depuis que la dette illégitime, la corruption et les assassinats des leaders nationalistes ont remplacé les armées coloniales d’occupation. Il fallait amplifier le vol des richesses des pays nouvellement indépendants, pour faire advenir la société de conso-gaspillage et ainsi développer les profits de ses capitaines.

Pour que les pays en « développement » rattrapent les pays « développés » il faudrait qu’ils réussissent à leur tour à piller les pays industrialisés et d’autres pays en développement, ce que la Chine réussi très bien à faire, malheureusement pour la planète. Le réflexe protectionniste de Trump peut être analysé comme un acte anti-pillage. La compétitivité et le libre-échangisme prônés en permanence par l’ultralibéralisme montrent là leurs limites. La liberté n’est bonne que si elle profite au plus fort. Ce n’est pas avec le « shadow banking » et la titrisation qui rapporteront des profits essentiellement aux grands détenteurs de capitaux, associés aux bourgeoisies complices du Sud, que les pays en « développement » pourront aller vers une société égalitaire, apportant une vie digne à leurs citoyens, respectueuse de l’environnement et de notre futur à tous. Futur que les pays en développement n’ont pas compromis : l’Afrique avec près du quart de la population mondiale a émis moins de 5 % des gaz à effet de serre. Alors que les grands actionnaires européens puis étatsuniens, les autres ensuite, poussent à grands feux la planète de tous dans une dynamique d’effondrement.

Si l’État chinois réussi à créer une économie industrialisée et développée c’est dans un système de compétition et d’exploitation féroce, insoutenable, destructeur du climat et de l’environnement. Il pille et pillera encore plus que nous l’avons fait, si c’est possible, son territoire (extraction hyper polluante des terres rares) et celui des pays en « développement » pour continuer sur une trajectoire hypothéquant gravement notre futur à tous. Cela en imitant et dépassant les occidentaux avec leurs armes, celles du capitalisme ultralibéral associées à celles de la dictature.

Quant à la durabilité, inscrite dans le titre même des fameux ODD, on peut en douter face à l’accélération du réchauffement climatique, au déclin massif de la biodiversité, aux désastres environnementaux en augmentation, à la faim sans fin et à la croissance des inégalités…

Il faut refuser la novlangue avec ses oxymores à répétition, genre développement durable, croissance verte, etc, qui emmènent l’humanité directement dans le four des +5°C. Ce n’est pas en endettant les pays en « développement » avec de la titrisation et du « shadow banking » comme prétend le faire la BM et le FMI, que des solutions, aux urgences climatiques, environnementales et sociales de ces pays, seront trouvées. C’est plutôt en leur rendant ce que les détenteurs de capitaux et les consommateurs du Nord leur ont pris, en réparant les dégâts environnementaux et en reconstruisant une véritable égalité face aux défis climatiques actuels et à venir. Si nous ne réussissons pas à brider la finance qui ravage le monde, à la mettre au service de l’ensemble des terriens et d’un futur vivable, tout ce que l’on pourra faire ou proposer ne sera au mieux qu’une danse pseudo-chamanique autour de l’immense volcan attisé par le grand capital.

Dans nos écrits et nos paroles, il serait important de remplacer le mot développement par celui de renouvellement. Un milliard de nos cellules se renouvelle chaque jour, une fois adulte, physiquement nous ne nous développons pas. De même la forêt se renouvelle, si elle se développait elle nous étoufferait. Elle est autonome et nous procure de grands bienfaits comme la régulation des pluies et du climat, l’oxygène, le captage du CO2, le maintien de la biodiversité et beaucoup plus encore. Ce que nous développons, ce sont : des forêts artificielles, à la place des forêts naturels que nous avons coupées, ne nous apportant aucun des bienfaits cités, l’agrandissement des trous de mines, le vidage des puits de pétrole et des poissons de la mer, la quantité de CO2 émise dans l’atmosphère, etc. Le « développement durable» sera notre tombe éternelle si nous ne sortons pas très rapidement de la croissance économique, de ses dettes et de ses désastres. Le renouvellement, permettant aux générations futures d’exister, est encore possible avec une décroissance matérielle très forte des populations et pays les plus riches associée à une décroissance des inégalités à l’échelle planétaire.

(1) Financements, prêts, titres produits dérivés, etc, échappant aux régulations étatiques ou/et internationales

(2) Pour une banque, cela consiste à se défaire des prêts les plus risqués après les avoir mélangés avec des prêts un peu moins risqués. Comment ? En vendant des morceaux de ces mélanges, dits actifs financiers, sur le marché et donc en se déchargeant des risques sur les acheteurs en cas de baisse du sous-jacent comme ce fût le cas avec les prêts immobiliers en 2007, cause de la grande crise.

(3) Association créée en 1953, sans statut juridique, des 21 pays prêteurs aux pays dits en développement, se réunissant au ministère de l’Économie à Paris. Le pays ayant des difficultés de remboursement se présente seul devant l’aréopage des financeurs. Il n’obtient jamais d’annulation de sa dette qui est le plus souvent illégitime voire odieuse. Que la population soit dans un état de pauvreté importante voire même une partie dans l’incapacité de se nourrir, n’y changera rien. Il pourra éventuellement obtenir des délais supplémentaires. Lire aussi ici.

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