Cinéma Paradiso

Le Vox , salle d’art et d’essai à Château-Renard, un village dans le Loiret, lance une pétition pour que les pouvoirs publics s’impliquent et lui permettent de poursuivre sa programmation courageuse.

Christophe Kantcheff  • 1 février 2007 abonné·es

Le communiqué est arrivé au journal par mail, il y a quelques semaines : « Face aux difficultés à pérenniser l’actuel poste de projectionniste et pour créer un nouveau poste permettant un bon fonctionnement de l’association, le cinéma le Vox de Château-Renard (Loiret) a décidé d’adresser une pétition aux élus locaux. Vous pouvez la signer en ligne sur notre site Internet » (<www.levox.free.fr>).

Château-Renard ? Un village de 2 400âmes, dans l’est du Loiret, dont l’inertie ne trouble pas sa municipalité UMP. Une soirée belote par-ci, dominos par là, la vie culturelle y serait exsangue, si, un jour de 1994, quelques copains de la région parisienne ne s’étaient arrêtés devant une vieille salle de cinéma laissée à l’abandon.

Coup de foudre. La bande de potes s’entiche du lieu au point de décider de le relancer. L’objectif : inaugurer, dans un avenir pas trop lointain, un ciné-café-concert « dédié à l’éducation à l’image et au son » . Une association, Vox Populi, est aussitôt créée, qui regroupe les amis en question, dont Franck Thiéblemont, qui sera le premier président de l’association, quelques collectifs d’artistes et des habitants du cru : un chauffeur de car, un cuisinier de cantine… Tous s’investissent, jusque dans la reconstruction de la nouvelle salle. Et, de séances de cinéma exceptionnelles en éditions du festival Guinguette des bords de l’Ouanne, qui a démarré en 1995, le Vox ouvre ses portes en 2001, grâce à un dossier de financement auprès des collectivités territoriales et du Centre national de la cinématographie.

Le Vox rénové, mis aux normes, avec billetterie et projectionniste recruté en emploi-jeune, est agréé parmi les 5 000 salles de cinéma commerciales existant en France, où, avec ses 64 places, il fait figure de Petit Poucet. Mais, dès la première année, le Petit Poucet décroche le statut Art et essai. Pas volé : la programmation y est hors pair. Tous les films étrangers sont diffusés en version originale sous-titrée ; la part des Américains y est contrainte, au profit de films venant de toutes les régions du monde ; enfin, les documentaires ne sont pas oubliés. En outre, chaque film est précédé d’un court métrage.

Si la programmation est particulièrement soignée ( les Infiltrés de Scorsese, Coeurs de Resnais, The Last Show d’Altman…), décidée démocratiquement au sein d’une commission ad hoc accueillant les volontaires, qui appuient leurs discussions sur les critiques parues dans la presse, elle ne se suffit pas à elle-même. « Nous nous opposons à la logique de consommation des films , explique Jacques Drouard, 35 ans, l’actuel président de l’association. Notre but est d’ouvrir les écoutilles, en particulier dans ce territoire rural où la télévision maintient les gens cloîtrés chez eux. » « Soyons curieux des arts et des autres » , dit la devise de l’association.

Ainsi, plusieurs rendez-vous se mettent en place. Des comédiens, des réalisateurs, des scénaristes… sont régulièrement invités pour échanger avec le public après une projection. Le dispositif École et cinéma, dont le Vox a été le premier point d’ancrage dans le département, permet aux animateurs de la salle de rendre tangible aux enfants ce qu’est un film ; dispositif auquel s’ajoutent des ateliers pour les petits, qui consistent en une projection suivie de la lecture d’un conte. Des soirées exceptionnelles alternent les thématiques festives ­ « Tontons flingueurs », « Cascadeurs »… ­ et les débats plus sérieux, avec des associations telles qu’Amnesty International, les Amis du Monde diplo ou, sur des sujets directement liés à la ruralité, l’Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap).

Enfin, une fois par mois, l’écran est relevé pour laisser place à un concert sur la petite scène ainsi dévoilée. Le concert peut être en lien avec le film projeté ou non. La chanson française est souvent à l’honneur : « Nous recevons beaucoup de propositions de groupes et d’artistes , note Jacques Drouard *. Ces soirées sont chaque fois des succès : nous faisons le plus souvent salle comble. »*

Avec ses 7 000 entrées annuelles, le Vox obtient des résultats non négligeables, étant donné les films qu’il propose et sa petite jauge. Signe que les habitants de Château-Renard et des environs ne sont pas tous accros à leurs téléviseurs. De même, l’association compte un nombre croissant d’adhérents ­ 200 aujourd’hui ­ même si, comme toujours, les plus actifs forment un noyau plus réduit. Mais, au-delà des chiffres, il apparaît comme une évidence que le Vox remplit ce qui s’apparente à une mission de service public, que les pouvoirs publics, pour leur part, n’assument pas. Sur le plan culturel, bien entendu, mais aussi au-delà : « Le Vox est un facteur de revitalisation du territoire, souligne Jacques Drouard. Il a aussi un rôle de relais pour les associations locales. »

Seulement voilà : outre que l’association déborde de nouveaux projets, les heures de bénévolat ­ 100 à 120 heures par semaine, selon une estimation sérieuse ­ ne sont pas extensibles et finissent par épuiser même les plus passionnés. Enfin, l’emploi aidé du projectionniste arrive à sa fin. D’où la pétition lancée par l’équipe du Vox et adressée aux élus locaux et à la Drac, qui réclame la pérennisation d’un poste et la création d’un autre. Il serait de bonne politique qu’elle ne reste pas sans réponse.

Culture
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