La foi électrique de Rickie Lee Jones

D’inspiration biblique, le dernier disque de Rickie Lee Jones est une belle surprise.

Jacques Vincent  • 22 février 2007 abonné·es

Malgré le niveau de ses productions récentes, Rickie Lee Jones réussit à créer une superbe surprise avec The Sermon on Exposition Boulevard , album dans lequel elle ose plus que jamais liberté et inventivité. On pouvait pourtant craindre le pire depuis qu’elle l’avait annoncé comme une « interprétation improvisée de l’idéologie chrétienne » , et en le voyant effectivement empli de références bibliques. On sait que la pente mystique n’est pas le meilleur chemin vers l’inspiration et qu’elle entraîne plus facilement dans la mièvrerie que dans le génie. Mais Rickie Lee Jones y trouve matière à son disque le plus ambitieux. Un disque dans lequel elle parcourt un spectre musical qui va de Tom Waits, voix étranglée sur martèlement rythmique, à la Brigitte Fontaine des années 1970, et passe des assauts d’un rock sale à une musique en suspension dans l’atmosphère, ou encore au dénuement total, quand elle pose les mots sur des branches mortes.

La voix elle-même change au gré des compositions et des improvisations : sur des arrêtes vives, feulante, miaulante, ou tendant vers l’invisible, réduite à des vocalises perdues dans la trame musicale. Et si elle semble possédée, c’est moins par une force supérieure que par ces chansons, cette poésie qui coule avec l’urgence des flots. D’ailleurs, le propos ne tient pas de la béatitude mais bien d’une interrogation sur la signification d’un message ancestral dans le monde d’aujourd’hui. Il n’exclut pas non plus une critique parfois sévère de la spectacularisation de la foi et de la religion, qui trouve forcément un autre écho dans un pays où les télé-évangélistes sont devenus si puissants. « Comment priez-vous dans un monde comme celui-ci ? » , demande-t-elle dans « Where I Like The Best », et c’est bien la question centrale. La grandeur de ces chansons tient aussi dans ce qu’elles dépassent leur sujet. On peut même dire qu’elles s’en affranchissent. C’est une autre forme de transcendance, celle qui naît de l’énergie créatrice.

Culture
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