Lynch trop sage

Christophe Kantcheff  • 8 février 2007 abonné·es

« À trop parler d’une chose, on la tue. » Le propos est attribué à David Lynch. On ne tuera donc pas son dernier film, Inland Empire , qui sort six ans après Mullholland Drive . Porté au pinacle en France, David Lynch apparaît comme la quintessence de la modernité. Un hebdomadaire de télévision, qui lui a consacré sa une avant tout le monde ­ quelle victoire ! ­, n’a pas hésité à titrer, à côté du portrait du maître : « Quel sera le cinéma de demain ? » Certes, Inland Empire piétine la narration, est tourné en DV, use et abuse de gros plans qui déforment les visages, et semble toucher du doigt la question de la frontière entre le vrai et la fiction. Si l’auteur d’ Eraserhead est évidemment très singulier dans le cinéma américain, toute déconstruction n’est pas toujours convaincante. Lynch multiplie les visions qui pourraient être celles d’un inconscient, mais elles s’étirent là où l’efficacité ramassée d’un artiste comme Kendell Geers, dont l’univers n’est pas éloigné de celui du cinéaste, produit des sensations inoubliables. L’audace postmoderne de Lynch reste bien sage [^2]. Le spectateur avance dans Inland Empire comme le vieillard d’ Une histoire vraie traversait les États-Unis : à la vitesse plan-plan.

[^2]: Les oeuvres que Lynch exposera à Paris, à partir du 3 mars, à la Fondation Cartier nous démentiront peut-être.

Culture
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