Nicolas Hulot : « L’essentiel reste à faire »

Comme les candidats à la présidentielle semblent avoir oublié leurs bonnes intentions écologiques, Nicolas Hulot repart en campagne.
Il invite à un rassemblement au Trocadéro, à Paris, le 1er avril.

Patrick Piro  • 29 mars 2007 abonné·es

Vous vous préparez à passer un savon aux candidats à la présidentielle…

Nicolas Hulot : L’objectif de mon intervention n’est pas tant de pousser un coup de gueule que de mettre en lumière un paradoxe apparent : l’écologie est une priorité, les candidats l’ont tous affirmé en janvier, on aurait donc pu s’attendre à ce qu’elle constitue l’ossature de leur programme et soit mise en avant pendant la campagne. Or, il n’en est rien. Certains donnent même l’impression d’être immunisés face à la crise écologique, à l’abri de leur intelligence !

Je savais qu’il faudrait être vigilant, nous y voici : je souhaite rappeler les enjeux aux candidats, dire à nouveau que c’est leur responsabilité, pour l’avenir de nos enfants, et, avec les 700 000 signataires du Pacte écologique, continuer à faire pression sur eux, les pousser à préciser leurs intentions et à agir.

Pacte que tous les candidats qui comptent ont pourtant signé.

Le Pacte, il faut le considérer comme un socle qui nécessite d’être complété. Ce qui m’intéresse, c’est de connaître les mesures proposées pour les transports, les déchets, la santé environnementale, la Politique agricole commune et l’agriculture bio, la position de la France sur l’après-Kyoto au G8 cet été, le périmètre d’intervention du futur vice-Premier ministre ou secrétaire d’État au Développement durable, etc. Quand l’un dit qu’il va doubler la fiscalité écologique, qu’est-ce que cela signifie ? Alourdir la taxe sur les carburants ou seulement celle sur les polluants ? Bref, l’essentiel du travail reste à faire !

Plusieurs de ces remarques semblent s’adresser directement à Nicolas Sarkozy, qui tient l’écologie en piètre estime, au fond.

Je m’adresse à tous. Ainsi, je rappelle aux trois principaux candidats qu’ils avaient promis de rencontrer les associations écologistes. Ségolène Royal vient d’ailleurs de devancer le rappel. Dès que l’on remet la pression, on obtient des résultats, mais c’est dommage de devoir en passer chaque fois par le rapport de force…

Vous parlez comme si les candidats en étaient tous au même point.

Certains doivent faire de gros efforts, et d’autres être plus précis. Le site du Pacte (1) présente les commentaires du Comité de veille écologique sur le programme de chacun. Mais nous garderons jusqu’au bout de la campagne notre neutralité et notre indépendance d’ONG.

Pourquoi ne pas appeler à voter pour Dominique Voynet, la seule vraie écologiste du lot ?

Je la trouve courageuse, mais la soutenir me mettrait en situation partisane. C’est contraire à ma démarche. Et puis je suis pragmatique. Admettons que mon soutien lui permette de doubler son nombre de voix. Elle passerait à 4 % ! À quoi cela servirait-il ? Ce qui m’intéresse, c’est que le futur président, quel qu’il soit, fasse progresser la France sur la voie de l’écologie, que son gouvernement soit créatif et exigeant. On ne peut plus seulement attendre que les écologistes arrivent au pouvoir et fassent évoluer les rapports de force politiques.

Regrettez-vous d’avoir retiré votre candidature ?

Aucunement. Quel bénéfice la cause écologique aurait tiré que je passe d’une parole universaliste à une posture partisane ?

Le rapport de force se joue aussi à l’Assemblée. Interviendrez-vous lors des législatives ?

Nous allons proposer un « Pacte écologique législatif » aux candidats députés. Il s’agit d’un engagement à faire partie d’un groupe parlementaire de réflexion de « synergie écologique », qui pourra s’activer à l’occasion de moments cruciaux.

Il vous est régulièrement reproché d’être trop tendre avec les responsables de la crise écologique, de ne pas critiquer le système qui l’entretient…

C’est une lecture tronquée du Pacte. Que faisons-nous avec cette mobilisation ? Nous préparons sans relâche les acteurs de la société au changement nécessaire. Je parle avec tout le monde ­ syndicats, politiques, acteurs économiques, scientifiques, agriculteurs, associatifs, etc. ­, afin de créer de la conviction et une convergence qui permettront à la société d’évoluer. Nous ne procédons pas à coup d’incantations médiatiques ou magiques, ni en distribuant de bons et de mauvais points, nous cherchons à fédérer les énergies positives.C’est moins simpliste que de rester dans les dénonciations, mais c’est inestimable car cela favorise une prise de conscience collective.

(1) www.pacte-ecologique-2007.org

Écologie
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