Romanès, pour le plein de fête

Le cirque tzigane fait escale à Paris durant deux mois. Avec de nouveaux numéros et toujours cette musique rom qui vous transporte. Une cure de bonne humeur.

Denis Sieffert  • 26 avril 2007 abonné·es

Romanès, c’est le cirque. Dans tous les sens du mot. D’abord, ce sont les arts de la piste magistralement exécutés par les enfants de la balle, à portée de main du spectateur. Bétina, la funambule, Maria, la contorsionniste, Alexandra, la trapéziste, Aramis, le jongleur de quilles, Elonga, jongleuse et danseuse au flamenco ironique, et quelques autres, qui exhibent leur dernier numéro dans l’intimité d’un espace qui rend l’effort à son humanité essentielle. Mais c’est aussi le cirque au sens le plus festif, comme un immense éclat de rire et une cure de bonne humeur qui se prolongent bien au-delà du dernier vibrato de la clarinette de Gigel.

Car Romanès, c’est avant tout une culture, la culture rom, perpétuée par un clan, une famille, une tribu, regroupée autour d’Alexandre, visionnaire, poète, jadis ami de Jean Genet, et bientôt scénariste au cinéma de sa propre histoire… Et autour de Délia, qui chante si joliment cette langue venue de la nuit des temps et des confins de l’Inde. C’est le son endiablé du violon de Castel et de l’accordéon de Marius, tous plus ou moins oncles ou cousins, ou neveux, ou que sais-je. C’est la famille nombreuse ­ avec la grand-mère qui prépare si bien les beignets pour la fin du spectacle ­ qui s’avance près du spectateur entre chaque numéro, et s’en retourne en fond de piste pour accompagner les artistes sans jamais reprendre son souffle. Parmi ceux-là, une mention particulière au clown jongleur de boules, Yvan, pour l’originalité de son numéro accompli à genoux. Un temps, les flonflons se taisent pour laisser l’artiste jouer du son grave des billes qui, soudain, produisent leur propre musique en rebondissant sur le sol.

Certains soirs, il y a le couple trapéziste, Laura et Dorine, qui livre son superbe numéro plein de grâce et de sensualité. Puis, de nouveau, c’est la famille-orchestre, comme on dirait « l’homme-orchestre », qui s’avance et vous emporte en des contrées où l’homme n’a pas encore inventé la déprime.

Romanès, c’est enfin une philosophie du cirque, sans les peurs faciles du vertige, ni les violences du fauve, ni les violences faites au fauve. C’est à sa manière un art pacifiste. Le petit chapiteau, que les amis de Politis connaissent bien depuis qu’Alexandre Romanès nous avait, en janvier 2006, offert une fête mémorable, continue de sillonner l’Europe. Il fait une escale du côté de la porte d’Asnières, probablement jusqu’à fin mai. Allez donc y oublier la présidentielle. Un soir.

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