La gauche en désordre de bataille

Les formations de gauche redoutent que les législatives amplifient, une fois encore, les résultats de la présidentielle. Divisée, la gauche antilibérale, PC compris, est menacée par le PS.

Michel Soudais  • 24 mai 2007 abonné·es

L’échéance est redoutée. Et dans toutes les formations de gauche, on ne trouve plus personne pour défendre l’inversion du calendrier électoral voulue par Lionel Jospin en 2001. Il faut dire que l’histoire électorale ne laisse guère de doute sur l’issue globale du scrutin des 10 et 17 juin prochains. À chaque fois que les élections législatives ont été organisées dans la foulée d’une élection présidentielle, en 1981, en 1988 et en 2002, les électeurs ont donné au chef de l’État qu’ils venaient d’élire la majorité qu’il leur demandait. Les sondages, moins nombreux que pour la présidentielle, prédisent tous une vague bleue, l’UMP emportant entre 336 et 415 circonscriptions sur 577, dans un scrutin essentiellement marqué par un face-à-face entre le parti du président de la République et le PS.

Illustration - La gauche en désordre de bataille


À l’annonce des résultats du 1er tour des législatives en 2002.
ERIC FEFERBERG/AFP

C’est donc sur la défensive que le parti socialiste aborde l’échéance. « 53 % des Français ont préféré Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal, je ne le conteste pas » , déclarait ainsi François Hollande, dimanche, sur TF 1. Le Premier secrétaire du PS se contenterait volontiers d’ « une Assemblée nationale qui corresponde justement à ce vote déjà intervenu lors de l’élection présidentielle » . Même ce minimum n’est pas assuré si la mobilisation électorale observée lors des deux tours de la présidentielle cède le pas à la résignation dans l’électorat de gauche.

Sur le papier, la gauche peut espérer l’emporter dans 205 circonscriptions, dont 14 outre-mer, où Ségolène Royal a devancé Nicolas Sarkozy, le 6 mai. Une assise dans laquelle le PS, qui comptait, en 2002, 141 députés et 8 apparentés, entend se tailler la part du lion pour accroître sa représentation.

Faute d’un accord électoral national, les Verts, de leur côté, peuvent espérer sauver leurs 3 députés, face auxquels le PS ne présente pas de candidat. Voire gagner un siège dans la 1re circonscription de Loire-Atlantique, où, en vertu d’un accord départemental, François de Rugy a le soutien du PS.

Comme à la présidentielle, la gauche antilibérale part divisée. Les différentes formations n’ayant pas nécessairement les mêmes objectifs. Si le PCF affiche 518 candidats, et la LCR 460, sans compter une quarantaine de candidatures unitaires issus de collectifs, il était toujours difficile de savoir avec précision, lundi, combien de candidats se présentent avec l’étiquette « Gauche alternative 2007 ». La coordination des collectifs, mise en place à Montreuil, fin janvier, indiquait avoir labellisé quelque 120 à 130 candidats, dont 80 à 90 seraient rattachés à l’association de financement Sega (Solidarité, écologie, gauche, alternative). Ce rattachement, essentiellement administratif, permet un accès aux émissions télévisées de la campagne officielle, pour un temps d’antenne inférieur à 5 minutes, et permet de prétendre au financement des partis, en fonction des résultats électoraux obtenus.

Après le fiasco de la présidentielle, la coordination des collectifs entend poursuivre, dans cette campagne, le combat de long terme en faveur d’un rassemblement large des antilibéraux à la gauche du PS. Quelques accords unitaires sont cités en exemple, dans les Deux-Sèvres notamment, mais aussi dans certaines circonscriptions de la région parisienne, de la Creuse ou de la Corrèze. Mais il subsiste des divergences en son sein sur la nature de ce rassemblement, les Alternatifs souhaitant, eux, installer un troisième courant, écologiste et antiproductiviste, distincts de la LCR et du PCF.

De son côté, le PCF joue la survie de son groupe parlementaire. Un objectif ambitieux au regard du mauvais score de Marie-George Buffet à la présidentielle. Rendu difficile aussi du fait que 7 de ses 21 députés ne se représentent pas. En 2002, en vertu d’un accord avec le PS, 6 candidats communistes n’avaient pas de concurrents socialistes. Cette fois, la rue de Solferino est restée sourde à la demande de la numéro un communiste, qui plaidait pour des candidatures uniques « partout où existe un réel danger qu’un député de gauche sortant soit battu » . Sur le terrain, les candidats ne cachent plus leur intention de remettre en cause la domination du PC. Au risque d’une lutte fratricide. « Il est temps que le PS soit représenté dans les Hauts-de-Seine » , a ainsi déclaré Dominique Strauss-Kahn lors d’une visite du marché de Malakoff, un fief communiste où la députée communiste sortante, Jeanine Jambu, ne se représente pas.

Une déclaration révélatrice de la volonté de certains courants socialistes d’en finir avec les reliquats de la gauche, façon Épinay. Exprimée encore crûment, lundi, par l’ancien président de l’Assemblée nationale, Raymond Forni : « On ne pourra pas être les derniers révolutionnaires qui maintiennent en vie des partis ou des groupuscules qui ne représentent qu’eux-mêmes. » En défense face à l’UMP, le PS est tenté de passer à l’offensive sur sa gauche. Pour dégager la voie vers le centre…

Politique
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