Pas douce

Ingrid Merckx  • 24 mai 2007 abonné·es

Elle entre dans la chambre froide, lève le drap et passe doucement, presque tendrement, la main sur le visage glacé. Puis elle ressort et lance aux deux ados téméraires~: «~Vous voulez toujours le voir~? Il faudra le regarder gentiment parce que, maintenant, il ne peut plus se défendre.~» Cette scène fait écho à une autre, au tout début du film, où Fred (Isild Le Besco), dans sa blouse blanche, tient la main d’une malade et s’applique à respirer en même temps qu’elle, avec une immense douceur. On se dit que la jeune infirmière aide sa patiente à réguler sa respiration. En réalité, elle accompagne son dernier souffle. Fred n’est douce qu’avec les malades et les morts. Pour les autres, elle est sauvage, solitaire, pleine de fureur.

Ce qu’il y a d’immédiatement intriguant dans ce premier film franco-suisse de Jeanne Waltz, tourné à La Chaux-de-Fonds, petite ville moderne perdue dans les sapins jurassiens, c’est que la rage de vivre et la rage de mourir se tiennent la main pour choquer la société du bonheur obligatoire. Dans une lumière souvent âpre, Pas douce est un film de chocs~: choc des regards, des mots, d’une pierre lancée contre un crâne, d’un coup de fusil, d’un genou tuméfié traversé d’une broche, choc du mur de la mort, aussi, qui renvoie Fred, 24 ans, et Marco, ado d’une rare agressivité, face à face, chez les vivants. Où ils apprennent, en affrontant leurs colères réciproques, à apprivoiser l’apaisement, et peut-être un peu de leur condition humaine.

Culture
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