Retour vers le passé

Deuxième volet des archives de Neil Young
avec un concert acoustique en solitaire enregistré à Toronto, le 19 janvier 1971.

Jacques Vincent  • 10 mai 2007 abonné·es

« Je resterai avec toi/ Si tu restes avec moi/Dit le joueur de violon au tambour/Et on aura du bon temps/En voyageant dans le passé » . L’obsession de Neil Young pour retourner vers le passé est ancienne. Il y a eu cette chanson « Journey through the Past », puis le film du même nom qu’il a lui-même réalisé en 1972. Et c’était aussi le nom de la tournée acoustique en solo qu’il a effectuée au début de l’année 1971. C’est lors d’un des concerts de cette tournée que l’album qui parait aujourd’hui a été enregistré. Le 19 janvier exactement, au Massey Hall de Toronto. Inédite jusqu’à maintenant, c’est la deuxième archive publiée, après le concert de mars 1970 au Fillmore East avec Crazy Horse, paru à la fin de l’année dernière, et qui constitue, en fin de compte, le vrai début du voyage dans le passé. À la fin, la période 1963-1972 devrait être retracée en huit CD et deux DVD. Dire qu’on va prendre du bon temps est très en dessous de la vérité.

Le concert de Toronto est restitué sous la forme d’un CD et d’un DVD. La version audio conserve tout ce qui a été enregistré ce soir-là. Depuis le moment où le magnéto a été lancé jusqu’à celui où il a été éteint. De l’entrée en scène, avec « On The Way Home », jusqu’à l’ultime sortie, après « I’m A Child ». En passant par les cinq minutes d’ovation avant le rappel et les moments où Neil Young accorde sa guitare entre deux chansons en marmonnant des commentaires souvent à peine audibles.

Le film a fait l’objet d’un peu plus de montage, mais on retient surtout une image très sombre où l’on ne distingue que le visage de Neil Young entre deux rideaux de cheveux noirs. Ce visage boudeur qui, à 26 ans, résume encore toute l’insatisfaction et la détresse adolescente. La pauvreté de cette image donne encore plus de force à l’intimité des chansons où la désolation et la mélancolie côtoient l’exaltation. Neil Young chante avec la pénombre et le silence pour tout décor. Sa voix lumineuse déchire l’une ; ses chansons peuplent l’autre. Beaucoup viennent juste de naître. Quatre se retrouveront l’année suivante sur Harvest , l’album de la consécration mondiale ; « See The Sky about to Rain » paraîtra sur On The Beach ; « Bad Fog of Loneliness » et « Dance, Dance, Dance » ne seront jamais enregistrées en studio.

« Si vous enlevez la musique d’une chanson de Neil Young, il restera toujours plus que des mots », écrivait Daniel Vermeille dans le numéro de Rock et Folk de mars 1973. Il restera en effet toujours cette voix unique et une poésie dont le mystère va bien au-delà des mots. Un mystère qu’on a souvent tenté de percer en même temps qu’on essayait de jouer ces chansons. Comme il les a jouées ce soir-là : avec seulement une guitare. On n’a jamais réussi, bien sûr, mais on a su les aimer et les garder dans son coeur. Depuis, on vit avec, sans y penser tous les jours. Leur histoire fait partie de la nôtre, et ce disque qui ranime la flamme vient nous rappeler à quel point elles nous sont chères.

Culture
Temps de lecture : 3 minutes