Un sommet de dogmes

Les organisations environnementales et de solidarité internationale s’inquiètent des orientations du G8, particulièrement offensives en matière de libéralisation des investissements.

Thierry Brun  • 31 mai 2007 abonné·es

À quelques jours du G8 d’Heiligendamm, en Allemagne, réunions et documents préparatoires à la déclaration finale indiquent que les chefs d’État et de gouvernement des huit grandes puissances s’apprêtent à prôner au reste du monde une application très dogmatique des idées néolibérales. En témoigne le thème fixé par la présidence allemande du G8, « Croissance et responsabilité dans l’économie mondiale », ainsi que la détermination outre-Rhin « à résister à tout sentiment protectionniste » , particulièrement en matière d’investissement. Les trois grandes priorités du sommet 2007 (croissance et investissement, réchauffement climatique et énergie, Afrique) sont donc placées sous cette tutelle idéologique. Les pays émergents du G5 (Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde et Mexique) seront même conviés à reconnaître une « responsabilité partagée » dans la gouvernance mondiale et le réchauffement climatique, thème central pour la chancelière et présidente de l’Union européenne, Angela Merkel. Seul blocage officiel, les négociations en vue d’une déclaration commune sur le réchauffement climatique n’avaient pas abouti le 28 mai, l’administration Bush refusant les objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les États-Unis.

Illustration - Un sommet de dogmes


Manifestation contre le G8, à Berlin, tandis qu’Angela Merkel s’exprime devant le Parlement, le 24 mai. KAPPELER/AFP

Les dernières moutures de la déclaration finale du G8 inquiètent les ONG environnementales et de solidarité internationale, notamment la plate-forme française Coordination SUD. « Même si le ton est plus diplomatique, le dernier texte relatif à la liberté d’investissement adopte un point de vue particulièrement offensif en faveur d’une libéralisation des investissements directs étrangers », note Fabrice Ferrier, chargé de coopérations internationales à la Coordination SUD. L’obsession des pays riches reste la libéralisation des investissements au sein des marchés émergents. Le propos n’est pas sans rappeler le défunt Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) ainsi que les « matières de Singapour » sur la libéralisation des investissements et le démantèlement des politiques publiques, refusés en bloc par les pays en développement en 2003 . Les ONG critiquent aussi l’éloge du très libéral consensus dit de Washington.

Certaines déclarations d’Angela Merkel sont déjà reléguées aux oubliettes de l’histoire. Par exemple, le souhait de rendre plus transparents les fonds spéculatifs (hedge funds), faute de quoi le monde s’expose à des risques de crises « incalculables » . Les ministres des Finances du G8 ont pour leur part estimé que « les hedge funds ont apporté une contribution significative au bon fonctionnement du système financier » . Les Huit s’affirment unanimes sur leur engagement à respecter leurs promesses d’aides à l’Afrique, une « hypocrisie néocoloniale des pays les plus riches de la planète » , a dénoncé Attac France [^2]. « On sait qu’il n’y aura qu’un rappel des mesures et, surtout, aucun engagement chiffré » , un recul par rapport aux précédents G8, estime Fabrice Ferrier. Coordination SUD considère « toujours comme prioritaires » la « réforme du multilatéralisme, la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement, le financement du développement et la recherche de la paix et de la sécurité » , des points qui ne figurent pas dans les priorités de l’agenda du sommet 2007. « Toutes les promesses du G8 de financement du développement ou d’allégement de la dette des pays pauvres ont systématiquement été bafouées depuis onze ans et les premières grandes déclarations en ce sens lors du sommet de Lyon en 1996, constate Attac France. Les dernières promesses en date étaient celles du sommet Gleneagles en 2005, où les pays du G8 s’étaient engagés à dégager 50 milliards de dollars d’ici à 2010. » Les plates-formes d’ONG (plus de 1 500 organisations) ont rappelé ces promesses et adressé des recommandations au G8, mais sans grand espoir d’être entendues.

[^2]: Lire le G8 illégitime, nouvelle édition revue et augmentée, Attac, éditions Mille et Une Nuits, 3 euros.

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