Droit de grève minimum

Le gouvernement veut imposer un service minimum dans les transports, mesure approuvée par les associations d’usagers et l’opinion. Les syndicats dénoncent une remise en cause du droit de grève.

Thierry Brun  • 28 juin 2007 abonné·es

Le moment de la revanche est-il venu pour la droite ? L’idée d’instaurer un service minimum pour mieux restreindre le droit de grève est une vieille antienne. Déjà, en 2002, un service minimum dans les transports publics figurait parmi les engagements de Jacques Chirac. Nicolas Sarkozy le jugeait « nécessaire » en octobre 2005. En quelques années, une dizaine de propositions de loi sur le service minimum ont été déposées par la droite majoritaire, en vain. Cette fois-ci serait donc la bonne, sous la forme d’une loi-cadre « sur un service minimum dans les transports » .

Illustration - Droit de grève minimum


En novembre 2004, manifestation de cheminots, notamment contre une loi sur le service minimum. GUEZ/AFP

Xavier Bertrand, ministre du Travail, a présenté aux partenaires sociaux, jeudi 21 juin, le projet tant attendu, après avoir averti qu’il « n’y aura pas de remise en cause du droit de grève, qui est un droit constitutionnel » . Les phrases démagogiques ont également fusé ces dernières semaines au sein du gouvernement et à l’Élysée, notamment sur « les usagers qui ne peuvent pas être perpétuellement pris en otages » . Les syndicats ont protesté contre les propos « insultants » de Nicolas Sarkozy, le 20 juin sur TF 1, sur le paiement des jours de grève. Secrétaire général adjoint de la fédération des transports de la CFDT, Jean-François Rupert a souligné la « profonde méconnaissance du droit du travail » du Président, « quand il propose de « supprimer la rémunération des salariés pendant les jours de grève », puisque c’est déjà le cas… » . L’historien René Mouriaux ajoute qu’il existe aussi une loi « profondément injuste, dite du « trentième indivisible » : les fonctionnaires qui font deux heures de grève se voient supprimer la journée sur le salaire brut » . De quoi jeter de l’huile sur le feu dans les rangs syndicaux.

Mais le gouvernement a décidé d’engager le bras de fer dans une période qui lui est favorable. La Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) est favorable aux orientations du projet de loi-cadre sur la continuité du service public de transport, même « si les grèves ne sont pas le principal sujet de préoccupation des usagers des transports collectifs » . En 2003, un rapport d’information de l’Assemblée nationale soulignait déjà que « l’instauration d’un service minimum dans les services publics [était] devenue depuis quelques années en France l’objet d’une forte demande de l’opinion publique et des responsables politiques » , citant au passage un sondage de BVA, dans lequel 81 % des Français y étaient favorables. Le service minimum a la faveur de l’opinion, alors « que le nombre de conflits dans les transports a nettement diminué au cours des dix dernières années. En particulier à la SNCF, le nombre de conflits locaux a été diminué environ de moitié en dix ans » , souligne Jean-Marie Pernot, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires).

Les syndicats doivent composer avec un calendrier qui leur est défavorable : ils n’ont que jusqu’au 12 juillet, jour où le texte devrait être présenté au Sénat, pour proposer des amendements. Et la première partie du projet de loi stipule que les entreprises et les syndicats ont jusqu’au 1er janvier 2008 pour trouver un « accord-cadre » obligeant à la négociation avant le dépôt de tout préavis de grève. Faute d’accord au 1er janvier, un « décret en Conseil d’État » fixera les règles d’organisation et de déroulement de la négociation préalable.

Deux innovations juridiques cristallisent l’opposition des syndicats : la déclaration préalable des grévistes 48 heures avant le début d’une grève et le vote à bulletins secrets au bout de huit jours de grève. « Demander que les salariés se déclarent deux jours avant, c’est une pression énorme sur le droit de grève, réagit l’historien René Mouriaux. Mais c’est l’accomplissement d’une longue mise en cause du droit de grève. La loi de 1963, avec la mise en place d’un préavis, était déjà une mise en tutelle du droit de grève. S’il n’y a pas de couac, il s’agit là d’une victoire idéologique symbolique. »

« On est bien au-delà du service garanti, on est dans la remise en cause du droit de grève » , analyse Jean-François Rupert. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, a estimé que l’avant-projet de loi était « inutilement provocateur » . « Ce que le gouvernement veut essayer de faire par ce biais-là, c’est d’opposer un peu plus les grévistes, qui pourraient être présentés comme minoritaires, avec l’ensemble des usagers, en les mettant en quelque sorte au pilori. » Pour calmer le jeu, Xavier Bertrand s’est dit « prêt à accorder des garanties complémentaires. Par exemple, sur l’organisation de la consultation à bulletins secrets au bout de huit jours » . Vieux serpent de mer du patronat et des libéraux, le contenu de la loi-cadre figurait déjà dans les précédentes propositions de la droite au Parlement. Résoudront-ils pour autant les problèmes de transport public ?

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