Une gauche émiettée

Le vote utile à gauche n’a pas tout écrasé mais… presque. Tour d’horizon des résultats des formations qui subsistent ou tentent de se faire une place au soleil en marge du PS et de ses alliés radicaux et chevénementistes.

Patrick Piro  et  Michel Soudais  et  Emma Audette  et  Pauline Graulle  • 14 juin 2007 abonné·es

Le PCF reste le deuxième parti de gauche. Au regard de son score, plus que doublé par rapport à la présidentielle, c’est bien la principale satisfaction que pouvait afficher dimanche soir l’équipe dirigeante de la place du Colonel-Fabien. Car, en regard des législatives de 2002, le PCF, qui a recueilli 1,1 million de voix, enregistre un nouveau recul, passant de 4,8 % à 4,3 %. Il a résisté aux assauts du PS, qui lorgnait plusieurs des circonscriptions qu’il détenait dans les Hauts-de-Seine (voir le reportage d’Emma Audette à Malakoff) ou en Seine-Saint-Denis. Mais a déjà perdu dans cette bataille les circonscriptions de Montluçon, Échirolles et Aubervilliers, dont les sortants ne se représentaient pas, ainsi que celle de Frédéric Dutoit dans les quartiers nord de Marseille.

Illustration - Une gauche émiettée


François Hollande s’adresse aux militants socialistes, rue de Solferino, le 10 mai. SAGET/AFP

Pour sauver l’existence de son groupe au Palais-Bourbon, le PCF doit impérativement compter 20 députés. La direction du PCF, qui avance le chiffre de 28 candidats en ballottage en incluant le Guadeloupéen Ernest Moutoussamy, se veut optimiste. « Nous avons aujourd’hui plus de vingt possibilités d’avoir un député » , a assuré lundi Marie-George Buffet, elle-même devancée par l’UMP dans sa circonscription. Au vu des résultats, l’objectif semble inaccessible.

En 2002, 37 candidats communistes avaient accédé au second tour, 21 avaient été élus. Cette fois, le PCF n’arrive en tête que dans 8 circonscriptions. Et sur les 28 candidats restants, au moins 9 paraissent « hors course ». Soit parce qu’ils sont arrivés derrière un candidat PS (Patrick Leroy à Valenciennes-Sud, Sébastien Jumel à Dieppe). Soit parce que les retards (de 17 à 30 points) qu’ils accusent face à leur adversaire UMP sont trop grands. Enfin, dans 7 des 19 circonscriptions restantes, les candidats du PCF sont en ballottage incertain. C’est le cas de Jacqueline Fraysse, pourtant soutenue par les antilibéraux, à Nanterre (25,54 %), mais aussi de l’orthodoxe André Gérin à Vénissieux (22,49 %), ou de Daniel Paul au Havre-Nord (25,19 %).

Privé de groupe parlementaire, le PCF perdrait une tribune politique importante et des moyens financiers conséquents. Après la débâcle de la présidentielle, un tel revers mettrait Marie-George Buffet en plus grande difficulté à l’approche d’un congrès délicat.

L’honnête résistance des Verts. Avec les 846 000 voix collectées par leurs 560 candidats au premier tour, les écologistes ne sombrent pas. Ils ne recueillent certes pas le double des voix qui s’étaient portées sur Dominique Voynet à la présidentielle (576 000 bulletins), comme ils l’escomptaient. Mais ils reviennent, avec 3,25 % des suffrages exprimés, à un score moins déprimant que le 1,57 % de leur candidate à l’Élysée. Ce petit rebond les met presque au niveau de leur résultat de 2002 (1,14 million de votes, 4,43 % des suffrages), mais dans des circonstances sensiblement différentes, puisqu’ils étaient parvenus à un accord de premier tour avec le PS, qui avait laissé les candidats Verts sans opposants socialistes dans 60 circonscriptions.

Le blocage des négociations entre les deux partis, à la veille du deuxième tour de la présidentielle, avait poussé les Verts à présenter le plus grand nombre de candidats possibles. Le PS s’est contenté de ne pas leur opposer d’adversaires dans les circonscriptions tenues par les trois députés Verts, qui se représentaient ­ Martine Billard (1re circonscription de Paris), Yves Cochet (11e de Paris) et Noël Mamère (3e de Gironde) ­, ainsi que dans la 1re de Loire-Atlantique, où, en vertu d’un accord isolé, les socialistes locaux ont laissé la place à François de Rugy, maire-adjoint Vert de Nantes chargé des transports. Tous les quatre sont au second tour, contre des UMP, et avec des chances de l’emporter. À l’exception de Noël Mamère, tous devront néanmoins compter sur un bon transfert de voix des candidats du MoDem, qui n’ont pas siphonné l’électorat vert comme c’était à craindre, notamment à Paris.

Si l’État-major du parti feint de tirer des plans sur la comète, voyant dans cette relative bonne surprise un socle « pour reconstruire » , personne n’est dupe : le résultat du 10 juin est un répit appréciable, mais guère plus. Les cadres continuent à s’exprimer en désordre sur l’avenir du parti. Dany Cohn-Bendit, que cette perspective motive, appelle à « casser la structure » car les Verts sont « au fond du puits » . Le 18 juin, quel que soit leur nombre de députés, tout commence pour les écologistes.

La LCR capitalise. Avec plus de 2 % des votes exprimés au soir du premier tour des élections législatives contre 1,28 % en 2002, la LCR est la seule force politique de gauche à connaître une progression aussi nette. Même si elle est relative et qu’elle ne permet pas au parti de prétendre à des sièges à l’Assemblée nationale, cette ascension est un signe de bonne santé, dont sa direction se félicite : « Les 495 candidats affiliés à l’association de financement de la LCR ont recueilli 53 711 voix, soit un gain de 213 244 voix par rapport à 2002 (+ 66 %). » Ce qui ne manquera pas d’améliorer les finances de l’organisation trotskiste.

Sur l’ensemble des candidats, 70 dépassent le seuil des 3 % contre seulement 3 en 2002. Ils dépassent les 4 % dans la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône, dans la 14e du Nord, dans la 6e et la 19e de Paris, dans la 4e de Haute-Vienne et la 7e de Seine-Saint-Denis. Joël Lainé, candidat LCR/gauche unie antilibérale dans la 2e de la Creuse, atteint les 5,83 %.

La majorité de la LCR, plus que jamais fermée à la démarche des comités unitaires antilibéraux, essuie néanmoins un désaveu cinglant à Clermont-Ferrand. Sa candidate parachutée (1,51 %) arrive nettement derrière Alain Laffont (4,45 %), élu local de la Ligue et partisan de l’unité des antilibéraux, qu’elle voulait faire plier ( Politis n° 955).

Les premiers pas d’une gauche alternative. Ils étaient 80 candidats, de tendances écologique, altermondialiste, communiste ou révolutionnaire, à se présenter sous l’étiquette « gauche alternative 2007 ». Malgré des scores variables, pour la plupart avoisinant les 2 %, le pari du financement est gagné : ils sont plus d’une soixantaine à avoir atteint le seuil de 1 % des suffrages quand cinquante étaient nécessaires pour obtenir l’accès au financement public des partis politiques. Une bonne nouvelle pour l’association Sega (Solidarité, écologie, gauche, alternative) à laquelle ces candidats s’étaient affiliés.

À noter les bons scores à Gap de Jean-Claude Eyraud (9,28 %), un syndicaliste fortement ancré dans la région et apprécié, ou de François Simon (6,61 %) à Toulouse. Ils sont la preuve que l’unité des antilibéraux, même encore imparfaite, peut être payante. Ce que ne dément pas le résultat d’Yvan Garcia dans la 4e circonscription de l’Hérault : avec 5 509 voix (6,49 %), soit à peine 500 de moins que son adversaire du MoDem, ce membre de la direction fédérale du PCF, qui avait pour suppléante Silvi Toureille (LCR) signe un résultat encourageant.

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