« Une politique de classe »

Pour Vincent Drezet*, l’allègement de la fiscalité des plus riches n’entraînera aucune amélioration globale, contrairement à ce qui est seriné.

Jean-Baptiste Quiot  • 26 juillet 2007 abonné·es

Assiste-t-on aujourd’hui à une explosion du capitalisme patrimonial ?

Vincent Drezet : Il existe une forte concentration du patrimoine financier depuis les années 1990. Mais les pouvoirs publics l’encouragent aujourd’hui en mettant en place des mesures fiscales qui vont nourrir des inégalités déjà existantes entre les revenus. Cette forte concentration se vérifie avec l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Sur les 456 000 déclarations d’ISF déposées en 2006, la moitié se situent dans la première tranche. C’est-à-dire que leur patrimoine taxable à l’ISF est compris entre 760 000 et 1 220 000 euros. Mais, dans cette moitié, la plus haute tranche ne concerne que 1 600 personnes, qui vont payer à elles seules 16 % du produit de l’ISF. Le relèvement de l’abattement de 20 à 30 % applicable à la résidence principale, que le gouvernement vient de faire voter, bénéficiera surtout à ces tranches élevées, car leur résidence principale représente 24 % de la base totale imposable à l’ISF.

Comment ces mesures profitent-elles aux patrimoines importants ?

Quand on regarde la structure globale du patrimoine, on s’aperçoit que les valeurs immobilières sont fortes, mais en dessous des valeurs mobilières, qui croissent de manière exponentielle. Cela s’explique en partie parce que les revenus des capitaux mobiliers ne sont plus imposables au barème progressif. De plus, il est possible de transmettre des valeurs mobilières en franchises d’impôts. Ainsi, de manière générale, on paye de moins en moins d’impôts sur le revenu des patrimoines ou sur les transmissions. En se débrouillant bien, et avec des mesures comme le bouclier fiscal, on peut être complètement exonéré. En fait, on assiste à une redistribution, mais à l’envers ! Le manque à gagner budgétaire est en effet compensé par l’augmentation d’impôts injustes ou par une diminution du financement des services publics.
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Cette politique s’appuie sur l’idée selon laquelle l’enrichissement de quelques-uns profite à tous…**

Dans un contexte de financiarisation de l’économie et de libre circulation des capitaux, il y a une bataille des pays pour attirer ces capitaux. Cela les incite à alléger la fiscalité des plus riches en croyant qu’il y aura des retombées globales favorables. Mais il faut se demander si l’argent économisé grâce aux allégements va servir à la spéculation ou s’il va être réinvesti de manière productive. Ce n’est pas ce qu’on observe. Par nature, un allègement d’impôt n’est pas un acte de politique économique, car il ne comporte pas la maîtrise de ses conséquences. Croire qu’il va entraîner une amélioration globale relève de la croyance religieuse. Au contraire, on sait que la fiscalité n’est pas le premier critère de choix pour les investisseurs étrangers. L’environnement, la cohésion sociale et le développement durable sont d’autres critères. Cette politique repose donc sur des idées reçues qui sont des prétextes à une politique de classe.

  • Secrétaire général du Syndicat national unifié des impôts (Snui).
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