Expulsions musclées

Mathilde Dedieu  • 13 septembre 2007 abonné·es

Quartier de la Maladrerie, jeudi 6 septembre, 7~~30. Les forces de l’ordre évacuent les « campeurs d’Aubervilliers ». Des 80 tentes installées devant les murs de l’école Joliot-Curie par ces familles d’origine ivoirienne, il ne reste plus rien. Ibrahim, un de leurs délégués, est encore sous le choc : « Ils ont encerclé le camp. » Plusieurs femmes et un bébé sont blessés, nécessitant l’intervention des pompiers. Les représentants des familles sont arrêtés.

La situation rappelle celle de Cachan. En juin dernier, alors qu’elles occupent une HLM de la ville, cinq des familles ­ majoritairement des réfugiés politiques aux papiers en règle ­ sont expulsées. À son tour menacé, le reste du groupe les rejoint afin de réclamer un plan de relogement. Le camp est né. La mairie refuse dès lors toute négociation et annonce qu’elle ne relogera pas les squatteurs, compte tenu des listes d’attente pour un logement social. Avant de les assigner au tribunal pour « trouble à l’ordre public » .

L’affaire serait un drame parmi d’autres si elle ne donnait lieu à un étrange renversement de valeurs : ces évacuations musclées sont en effet l’oeuvre d’une municipalité communiste. Rama Yade, secrétaire d’État aux droits de l’homme, n’a d’ailleurs pas manqué de s’en étonner lors de sa visite fort médiatisée, avant de se faire rappeler à l’ordre par le Premier ministre, François Fillon. De son côté, le maire d’Aubervilliers martèle « qu’il s’agit d’une décision de justice » et s’indigne « du soutien apporté à des squatteurs » par Rama Yade.

Récupération gouvernementale ? L’histoire crée en tout cas frustration et dépit dans le quartier. Isabelle Mendès, maman célibataire, apporte des vêtements aux enfants. « Tous leurs biens ont été emportés […] *. Au pays des droits de l’homme, c’est pitoyable. On pouvait s’attendre à autre chose de la part d’une mairie communiste* […] *, une solution humaine* […] *. Mais il y a bien des socialistes au gouvernement, alors ! »* , lâche-t-elle avant de conclure : « Ils ont tous envie de se débarrasser d’eux, ils continuent le Kärcher, ils n’ont pas compris que l’avenir, c’est le métissage. »

Société
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