Menace sur les régimes spéciaux

Thierry Brun  • 13 septembre 2007 abonné·es

Nicolas Sarkozy donnera le coup d’envoi de la réforme des régimes spéciaux de retraites le 18 septembre au Sénat, lors d’un discours devant l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis). Les syndicats n’ont pas été conviés à la présentation de l’un des principaux dossiers présidentiels. Au cours de la campagne électorale, Nicolas Sarkozy s’était engagé à réformer les régimes spéciaux de retraite au nom de « l’équité » entre les salariés, argument principal pour en réduire les acquis et les aligner sur le régime général. Les entreprises publiques (SNCF, RATP, EDF, GDF) sont principalement visées [^2].

Certaines confédérations syndicales ont été informées de l’avancée des travaux menés depuis l’Élysée avec le ministère du Travail. Le gouvernement a, dans un premier temps, démenti qu’un décret sur les régimes spéciaux soit en préparation, comme l’avait révélé François Chérèque, secrétaire général de la CFDT. Mais, n’étant pas à une contradiction près, le Premier ministre, François Fillon, a déclaré, dimanche 9 septembre sur Canal +, que la réforme était déjà « prête » et que le gouvernement attendait le « signal » de Nicolas Sarkozy pour entamer les négociations avec les partenaires sociaux sur ce sujet. Ainsi, le 18 septembre s’ouvriront des négociations dont le cadre et la durée sont déjà fixés : les syndicats devront négocier sous la menace d’un décret avant la fin de l’année si aucun accord n’est conclu.

« L’opinion est très favorable à ce projet », a estimé Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, alors que les syndicats ont mis en garde contre tout passage en force et menacé le gouvernement d’un conflit « majeur » . À gauche, deux députés PS, Arnaud Montebourg puis Manuel Valls, se sont déclarés favorables à un alignement des régimes spéciaux sur le régime général. Le sénateur PS Jean-Luc Mélenchon s’est élevé contre « le suivisme à l’égard de la droite en pleine offensive contre les acquis sociaux des salariés » et affirme que « la nécessité de cette réforme n’est pas démontrée du point de vue de l’équilibre des régimes de retraite, encore moins s’agissant d’équité » .

La réforme des régimes spéciaux de retraite a cependant commencé sans provoquer de mouvements sociaux. Celui de la SNCF, l’un des plus importants, a fait l’objet, en mai, d’un décret privatisant la Caisse de prévoyance et de retraite (CPR) de l’entreprise publique, alors qu’un autre décret sur le financement de la CPR est en attente de signature. « Le gouvernement veut casser les régimes spéciaux dès 2007, pour être plus fort lorsqu’il s’attaquera aux retraites de tous en 2008 », souligne la fédération SUD-Rail. Le gouvernement a en perspective une nouvelle réforme de l’ensemble des retraites, fixée par la loi Fillon de 2003. Elle devrait être l’occasion d’adopter le passage de 40 ans à 41 ans, voire plus, de la durée de cotisation du régime général de retraite d’ici à 2012, et donc de revoir l’ensemble des régimes publics et privés, au prétexte du creusement rapide des déficits. Agir vite semble être le mot d’ordre du chef de l’État et de François Fillon, car il s’agit d’éviter une mobilisation sociale sur un dossier brûlant qui avait mené au mouvement social de 1995 contre la réforme Juppé.

[^2]: Les professions particulières (marins, clercs de notaire, parlementaires, etc.) sont aussi concernées par la réforme. L’ensemble des régimes spéciaux de retraite représente 500 000 actifs et 1,1 million de retraités.

Temps de lecture : 3 minutes