UGC contre le Méliès

Politis  • 4 octobre 2007 abonné·es

C’est le pot de fer contre le pot de terre, version contemporaine. C’est-à-dire ultracynique. De la même manière qu’Hollywood tentait de faire croire, au moment du combat sur l’exception culturelle, que celle-ci allait terrasser son cinéma, le groupe UGC, deuxième exploitant de cinéma en France, s’en prend à un certain nombre de salles, le plus souvent municipales, au motif qu’elles contreviendraient aux règles de la libre concurrence. La plus en vue est le Méliès à Montreuil (Seine-Saint-Denis), parce qu’elle symbolise ce que les majors ne peuvent supporter : la réussite économique et publique d’une structure culturelle qui suit un parcours d’exigence. C’est cela qu’UGC veut lui faire payer. Le recours déposé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise par le groupe a en effet pour objectif de s’opposer au projet d’extension du Méliès, qui envisage de passer de trois à six salles en 2010 : « L’utilisation des fonds publics pour pratiquer dans ces six salles des tarifs subventionnés […] est constitutive, de la part de la commune, d’un abus de position dominante et d’une violation des règles de la concurrence. » UGC craint qu’avec ses six salles le Méliès ait une programmation visant « tous les publics » . Ce qui n’est pas faux. Mais, derrière cette expression, le groupe entend surtout divertissement et quantitatif. Alors que le Méliès, avec son directeur Stéphane Goudet, propose qualité et découverte à un public qui s’élargit. Les cinéastes, dont plusieurs grandes pointures internationales (Theo Angelopoulos, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Abel Ferrara, Robert Guédiguian, Hou Hsiao-hsien, Jia Zhang-ke, Abbas Kiarostami, David Lynch, Francesco Rosi, Abderrahmane Sissako, Tsai Ming-liang, Agnès Varda, Wim Wenders…) ne s’y sont pas trompés, qui ont lancé, avec la quasi-totalité des distributeurs du champ de l’art et essai, une pétition en faveur du Méliès [^2].

Cette affaire est un cas d’école quant aux appétits du libéralisme dans le domaine des industries culturelles, cherchant par tous les moyens à faire reculer les possibilités d’intervention des puissances publiques. L’expression d’une volonté politique ne serait donc pas inopportune. Mais le gouvernement, en l’occurrence, reste muet…

[^2]: À lire sur le site de Libération : .

Culture
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