Science et décroissance : un couple impossible ?

La transition vers des sociétés plus soutenables est devenue un impératif. Elle implique une forte transformation de la structure économique actuelle qui peut se concrétiser de différentes façons : développement de « low-tech » (outils n’utilisant pas de technologies complexes), une certaine forme de désindustrialisation, une réforme foncière (démembrement, etc.) ainsi que la généralisation des circuits courts (relocalisation), y compris dans le domaine de la production des connaissances. Un exemple illustrera ce fait : l’hyperconcentration de la production de connaissances agronomiques s’est traduite par une perte majeure de savoir au niveau collectif (75 % de la biodiversité domestique a disparu). Un savoir aussi concentré doit procéder par généralisations hâtives et est incapable de tirer le meilleur parti des conditions écologiques locales. Les alternatives qui permettent de fortes réductions de l’empreinte écologique exigent une connaissance fine du local. La mise en oeuvre d’une telle transition aboutira-t-elle à des sociétés « immobiles » ou aurons-nous affaire à de nouvelles formes d’innovation ?

Le constat est simple : si tout le monde vivait comme un Français, il faudrait deux planètes supplémentaires… Et encore, c’est à mettre en balance avec les cinq planètes nécessaires si nous adoptions le mode de vie des États-Unis. Il est donc, de toute façon, urgent de s’interroger sur les manières de réduire notre empreinte écologique sans pour autant oublier d’améliorer notre qualité de vie et de la partager avec les plus défavorisés.

Le modèle dominant apporte à ce défi social et humain des solutions le plus souvent basées sur la technologie : des modes de production et d’utilisation plus propres devraient bien nous aider à sortir de l’impasse. Cette foi dans le progrès et le high-tech a ses bénéfices : gains de productivité dans les énergies renouvelables, utilisation d’Internet pour construire une nouvelle forme d’intelligence collective, etc. Mais elle pose aussi question, les industries des OGM ou des nanotechnologies ne se privant pas d’utiliser l’argument écologique pour justifier leurs travaux.

Face au défi écologique, quel rôle peuvent jouer des alternatives plus « low-tech » comme l’agriculture naturelle d’un Fukuoka, la convivialité des Amap ou des SEL, la solidarité rendue possible par une relocalisation des activités humaines ?

Et, enfin, comment évaluer la qualité des réponses de la recherche aux exigences que pose la nécessaire transition vers des modes de vie soutenables pour notre planète ?

Jusqu’au 13 décembre, à Paris, la Fondation sciences citoyennes (FSC) propose une Université des savoirs, en sept soirées, pour explorer les scénarios d’une planète vivable en 2030.

Ces questions seront l’objet de la sixième session, qui se tiendra le jeudi 29 novembre de 17 h 30 à 21 h 15, à la salle des fêtes de la mairie du XIe, place Léon-Blum, Paris. Thème : « Science et décroissance : couple impossible ou mariage vital ? » Première partie : Quels nouveaux indicateurs de richesse et de développement ? Quels outils d’évaluation de la soutenabilité de la recherche ? Deuxième partie : Science, technologie et style de vie. Animé par Claude Bascompte (Amis de la Terre). Intervenants : Patrick Viveret (philosophe, Cour des comptes), Michelle Dobré (sociologue, Centre Maurice-Halbwachs, université de Caen), Thierry Thouvenot (coordinateur de l’association Nature humaine), Fabrice Flipo (philosophe, Institut national des télécommunications).

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