Je vote pour toit !

Le logement s’impose comme un des thèmes-phares des municipales 2008. À charge des élus de se porter garants des lois qui garantissent un toit à chacun. À charge des électeurs de pénaliser ceux qui ne les respectent pas.

Ingrid Merckx  • 28 février 2008 abonné·es

Un toit pour qui ? Et pour combien de personnes et combien d’euros ? Le logement, en pleine crise, s’est imposé comme l’une des questions-phares des municipales 2008. Des sans-abri à la flambée des loyers qui frappe les classes moyennes, en passant par le mal-logement, l’habitat insalubre, les logements vacants, la construction de logements sociaux… Si c’est à l’État de garantir le respect des lois sur le droit au logement opposable (Dalo) et le pourcentage de logements sociaux (SRU), c’est aux communes d’assumer leur application. D’après la fondation Abbé-Pierre (FAP), 70 % des Français sont éligibles au logement social. Pourtant, à en croire le palmarès établi par la FAP des 736 communes soumises à la loi SRU (20 % de logements sociaux), qui a été rendu public le 13 février et court sur la période 2002-2006, 435 communes n’ont pas respecté l’engagement fixé par la loi, et 67 n’ont financé aucun logement social en cinq ans.

Illustration - Je vote pour toit !


Le budget 2008 consacré au logement n’est en hausse que de 3 %. MEYER/AFP

À Paris, selon un sondage du Parisien , 46 % des électeurs feraient du logement une priorité du prochain mandat. Le logement arriverait également en troisième position des préoccupations des Strasbourgeois et des Lyonnais. « Le logement est en tête des propositions de tous les candidats, relève Patrick Doutreligne, de la FAP *. Il y a sept ans encore, c’était une question impopulaire pendant les campagnes électorales. Aujourd’hui, tous reconnaissent la nécessité d’en construire. C’est une évolution très importante* . »

Une évolution qui a vu les clivages se déplacer sur le type de logement à construire : des élus préférant attirer par le truchement du renouvellement urbain des contribuables fiscalement plus intéressants. Certains allant même jusqu’à faire de la non-construction de logements sociaux sur leur commune, et donc d’un refus d’application de la loi SRU, un argument de campagne. Ce fut le cas du maire sortant de Saint-Maur-des-Fossés, Jean-Louis Beaumont (divers droite). C’est encore le cas du candidat UMP à sa succession, Henri Plagnol, qui a déclaré qu’il suivrait la même logique. Il n’est pas le seul sur cette ligne, dénonce la FAP, dont le « tableau du déshonneur » des villes qui resquillent sert désormais de document de référence, du milieu associatif jusqu’aux cabinets ministériels. Arrivent en tête : Saint-Maur-des-Fossés, Neuilly, Hyères, Toulon et Nice, pour les villes de plus de 50 000 habitants ; Allauch (13) le Plan-Médoc (33), Le Plessis Bouchard (95), Solliès-Pont (83) et Corbas (69) pour les villes comptant entre 5 000 et 50 000 habitants ; Saint-Jeannet (06), Barbentane (13), Saint-Clément-de-Rivière (34), L’Étang-la-Ville (78) et Chazay-d’Azergues (69) pour les villes de moins de 5 000 habitants. Les régions Paca et Île-de-France étant sur-représentées.

«Faites pression sur les élus pour qu’aucun ne s’abaisse à cette indignité de ne pas respecter la loi » , martelait l’abbé Pierre à l’Assemblée nationale le 24 janvier 2006. Depuis, la crise du logement s’est encore aggravée : 100 000 sans-abri, 3 millions de mal-logés. « Nous invitons les citoyens, y compris les très bien logés, à se demander où logeront demain leurs enfants, si le maire de leur commune ne bâtit rien » , propose Alerte. Ce collectif national, qui regroupe 38 associations et fédérations adhérentes de l’Union régionale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uriopss) et 26 collectifs Alerte départementaux, a adressé, le 13 février, un appel aux candidats aux élections municipales d’Île-de-France : « Dans votre ville, que ferez-vous pour concrétiser le droit au logement ­ durable, décent, adapté ­ pour tous ? » La loi Besson de 1990 consacrant le droit au logement n’est toujours pas respectée. Et, alors que la loi sur le droit au logement opposable est entrée en vigueur le 1er janvier, « le budget 2008 consacré au logement n’est en hausse que de 3 %, les constructions de logements sociaux lancées en 2007 ne seront livrées au mieux qu’en 2011, sur les 100 000 logements sociaux construits pour répondre à l’objectif du Plan de cohésion sociale, en 2005, seuls 7 358 sont des logements très sociaux » , explique le collectif. Qui attend les engagements des élus sur dix priorités telles que : surseoir aux démolitions, refuser les expulsions sans relogement, respecter le quota de logements sociaux, préempter les logements qui se libèrent, réquisitionner les logements vacants, expérimenter de nouvelles formes de locations… Pour cette dernière priorité, Alerte cite trois initiatives exemplaires : le dispositif « Louez solidaire et sans risque », mis en place par la Ville de Paris avec des associations (paiement des loyers, accompagnement social, remise en état…), l’usufruit locatif social (partage du coût d’un bien immobilier) et le projet de Solidarités nouvelles logement (achat et gestion collective d’un ou plusieurs logements).

«Quelles nouvelles politiques d’urbanisme à Paris ? Quartiers déclassés et banlieues : démolir ou rénover ? Comment financer le logement social ? Quelles propositions des chefs de file des listes parisiennes à la crise du logement ? » Tels sont les thèmes de « Se loger en ville : la campagne », une série de débats organisés par les collectifs Jeudi-Noir et Droit au logement à partir du 28 février au ministère de la crise du logement à Paris. De leur côté, ATD Quart Monde, les Enfants de Don Quichotte et le Secours Catholique proposent de se mobiliser d’ici aux municipales dans des Comités solidaires pour les droits, dont le droit au logement (voir ci-contre).

Les associations engagées contre le mal-logement sont prêtes à peser de tout leur poids dans le prochain scrutin. Reste à savoir si les électeurs suivront. Ils étaient près de 4 000 à avoir signé, le 21 février place de la République à Paris, la pétition lancée par les 28 associations qui organisaient la Nuit solidaire du logement. 4 000 en une soirée à déclarer : « Je souhaite que ma commune construise des logements à loyer accessible, garantisse un hébergement aux plus démunis, et je suis d’accord pour que des logements sociaux soient construits près de chez moi, je m’insurge contre les maires qui ne respectent pas la loi imposant 20 % de logements sociaux sur leur territoire . »

Le Premier ministre, François Fillon, a également reçu de l’interassociatif une lettre rappelant que, si la loi sur le Droit au logement opposable (Dalo) « devait rester lettre morte, elle conduirait au désespoir les millions de personnes qui y ont vu la promesse d’une dignité enfin retrouvée. Si elle devait n’être qu’un artifice, elle détournerait notre République de certains principes qui la fondent, principes qui honorent la France au-delà même de ses frontières. Car, chez nous, dans la France du XXI e siècle, comme ailleurs, on ne doit plus tolérer de laisser des femmes et des hommes sans toit, ni les contraindre à vivre dans des conditions indignes et, trop souvent, accepter qu’ils en meurent. » Aujourd’hui, un Français sur deux se sent menacé de devenir sans abri. Un électeur sur deux.

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