There will be blood : Trop bien huilé

« There will be blood » relate l’histoire d’un pionnier de la découverte du pétrole à la fin du XIXe siècle. Une interprétation éblouissante pour un film un peu vain.

Christophe Kantcheff  • 28 février 2008 abonné·es

Il n’est pas toujours aisé d’être annoncé comme l’« événement » d’un grand festival. Ce fut le cas de There will be blood de Paul Thomas Anderson, lors du festival de Berlin qui s’est achevé récemment. Non seulement il n’a pas obtenu la consécration escomptée ­ empochant seulement le Lion d’argent alors que l’or et le prix d’interprétation masculine pour Daniel Day-Lewis semblaient lui être acquis ­ mais, plus gênant, il déçoit à la mesure de ce qu’il promettait.

Tout paraît considérable dans ce film. Le sujet, tout d’abord. There will be blood raconte l’histoire de Daniel Plainview, pionnier de la découverte du pétrole dans le sous-sol américain à la fin du XIXe siècle, qui, en 30 ans, devient un magnat de l’or noir en Californie. Beau et grand sujet illustrant les inusables thèmes fondateurs du continent de la Nouvelle Frontière et de l’ American Dream , et où vont inévitablement se croiser ambition, argent, capitalisme et perpétuation familiale d’un empire industriel.

De la modestie des découvreurs à l’arrogance des maîtres, la psychologie de Plainview suit un itinéraire hyperbalisé. Le problème, c’est que le film semble lui-même incapable de se remettre en cause au fur et à mesure qu’il avance, comme s’il se refermait sur lui, au risque de tourner en rond. Au début, tout va bien. Les premières images, en particulier, sont impressionnantes : Daniel Plainview creuse au fond d’un puits de cailloux, acharné à mettre au jour le précieux hydrocarbure. Le personnage, solitaire, taiseux puisque n’ayant personne à qui parler, se confronte à la dureté de la tache et à la fiabilité aléatoire de ses outils. Émanent de lui volonté et détermination, mais il n’est pas à l’abri d’un barreau d’échelle cassé qui le renvoie violemment au fond de la mine… L’aventure est à ses commencements, elle pourrait encore être déroutée ; le film vibre, vivant, disponible aux accidents de parcours.

Ce qui n’est plus le cas ensuite. Pourtant, « there will be blood » (« il y aura du sang »), prévient le titre. Et, effectivement, ça ne se passera pas comme ça. On ne fait pas fortune (dans le pétrole comme ailleurs) sans commettre quelques dégâts collatéraux.

Mais les obstacles que Daniel Plainview va rencontrer sur sa route ne sont pas bien sérieux. Trop pâlots pour être crédibles, ce faux frère espérant récupérer quelques miettes de la fortune pétrolière, ou même ce jeune prédicateur idéaliste épris de pureté, un temps inquiétant, mais qui finit par être tourné en dérision par le regard même du cinéaste.

Comment ne pas voir que le film épouse dès lors l’assurance hautaine de son personnage, avançant comme sur des rails, de plus en plus fier de ses signes extérieurs de richesse : images magnifiques, musique nappée et comédien principal extraordinaire ?

Daniel Day-Lewis, oscarisé de fraîche date pour ce rôle, est effectivement hors norme dans la peau de Daniel Plainview, personnage obsédé par la réussite de son entreprise, roué, monstrueux. On est ébloui par la performance. Mais, pièce maîtresse d’un ensemble un peu vain, elle finit par toucher à l’exercice virtuose.

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