Accordé au pluriel

Les Nuits de nacre célèbrent l’accordéon sous ses multiples formes : folk, rock, jazz, classique…

Denis Constant-Martin  • 18 septembre 2008 abonné·es

L’accordéon n’a vraiment plus besoin qu’on lui accorde, comme disait la chanson, l’aumône. Il a connu en France un renouveau tel qu’il n’est guère de genre musical où il ne vienne étirer son soufflet ; il est, en des formes diverses, présent sur tous les continents. À Tulle, depuis vingt ans, les Nuits de nacre célèbrent son éclectisme et son universalité au point que, dans l’esprit de la directrice du festival, Laurence Lamy, accordéon ne peut plus se penser qu’au pluriel. Le mouvement folk a redonné une légitimité aux petits diatoniques qui animaient les bals de village ; des groupes qui conservent vivantes des traditions régionales continuent à l’utiliser (Musiqu’àdeux, la Maïade malemortine). Le grand chromatique, pour qui Jean Wiener écrivit autrefois un concerto, se prête aux plus extrêmes virtuosités, dans une orientation classique sous les doigts de Dimitri Saussard, ou plus expérimentale entre les mains de Mériadec Gourou. Brillant soliste, l’accordéon ne répugne évidemment pas à l’accompagnement ; on l’a entendu derrière des grands de la chanson (Brel, dont MlleGermN entretient la mémoire), Pierre Perret et Georges Moustaki s’appuient toujours sur lui.

Moins connues, mais à découvrir, les chanteuses Françoise Kucheida, qui reprend des chansons intimement liées à « la mémoire sépia » de son histoire française, et Yeti, plus aventureuse, un rien décalée, montrent l’étendue des couleurs qu’il peut donner aux voix. Ailleurs, sa nervosité, ses attaques sont mises en valeur, parfois accentuées par l’amplification. Rock, jazz, chanson néoréaliste ne cessent d’étendre le champ de ses possibilités (La 4L à Bob ; Rue de la Muette ; Électric Bazar). Laurence Lamy dit encore, parlant au nom de l’instrument : « Je ne sais pas où je vais mais je sais d’où je viens. » Un coffret Frémeaux rappelle la période où, malgré ses richesses, il était méprisé. On y constate que, derrière ses cotillons Tour de France, Yvette Horner cachait une articulation exceptionnelle et que Marcel Azzola, tout jeune, enrichissait déjà le langage des Jo Privat, Émile Prudhomme ou Tony Muréna. Décidément, en dépit des clichés, l’accordéon n’a vraiment rien de ringard !

Culture
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