C’est l’occasion pour les Verts de se dépasser

Pour Erwan Lecœur, sociologue,
la tentative de rassemble-ment de l’écologie politique
au-delà du clivage gauche-droite n’est pas
une réédition du « ni-ni » d’Antoine Waechter.

Patrick Piro  • 18 septembre 2008 abonné·es

Qu’est-ce qui pousse les Verts à accepter cette alliance, alors que le parti avait encore récemment le monopole de l’écologie politique ?

Erwan Lecœur : Depuis deux ans, les Verts se heurtent à deux problèmes qu’ils ne savent pas comment résoudre. Tout d’abord, la montée en puissance des associations dans le domaine de l’écologie politique, avec l’Alliance pour la planète et surtout la Fondation Nicolas-Hulot. Ensuite, c’est le syndrome « de la femme de 36 ans » : dans les sondages, son parti préféré, c’est les Verts, mais elle ne vote pas pour eux. Bref, l’écologie politique a raison, mais elle n’est vue que comme un supplément d’âme, pas comme une pensée politique à part entière. C’est flagrant dans une ville comme Paris, où le socialiste Delanoë se fait élire sur le bilan des écolos, tout en évinçant leur chef de file Baupin, qui a eu l’audace de s’en désolidariser.
La proposition de Cohn-Bendit vient justement offrir aux Verts une occasion de sortir de ces deux impasses. D’abord en les confortant dans leur utilité, puisque les associatifs viennent les rejoindre en politique. Ensuite, le « casting » proposé par Dany est une tentative de retrouver une parole médiatique forte, indispensable pour gagner dans la compétition politique d’aujourd’hui, et pour tenter de faire en­tendre leur programme, alors qu’ils en ont écrit des dizaines que personne ne connaît. Je trouve donc assez naturel que les écologistes se penchent en premier lieu sur la liste des personnalités médiatiques ­capables de les représenter.

Ce rassemblement ne rejoue-t-il pas le « ni gauche-ni droite » de Waechter des années 1990 ?

Autrement dit, un glissement vers le ­centre ? C’est exactement ce que les médias vont leur servir à longueur de colonnes. C’est un faux affrontement, car le problème de l’écologie politique, depuis le début, c’est qu’elle n’a jamais été ni de gauche ni de droite, mais qu’elle entend être identifiée comme une vision du monde autonome. Tel qu’il est mis en scène aujourd’hui. Car il y a, dans les gènes de l’écologie politique, quelque chose du socialisme utopique, c’est une évidence. Libéralisme et écologie sont antinomiques, ne serait-ce qu’à cause de la finitude des ressources naturelles.

Les Verts ne risquent-ils pas d’y laisser des ­plumes ?

Ou bien de se dépasser. Ce qui se joue aujourd’hui pour eux, c’est l’occasion de revisiter leur histoire et de rouvrir le champ des possibles : était-ce le bon choix de privilégier l’alliance avec le centre-gauche et d’être un appendice du PS pour s’adresser à la société ? Leurs idées ne portent-elles pas plus loin que le clivage entre les idéologies productivistes de droite comme de gauche ? Tenter, pour les Verts, de se dépasser, c’est finalement repolitiser ­l’écologie, et dire ce qu’ils n’ont encore jamais pu faire entendre à la société.

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