Sortie de crise à La Paz

La fronde des gouverneurs des provinces rebelles semble s’apaiser en Bolivie. L’opposition libérale et le gouvernement d’Evo Morales ont enfin trouvé un accord dimanche dernier.

Isabelle Zyserman  • 18 septembre 2008 abonné·es

En Bolivie, l’ouverture d’un dialogue entre l’opposition libérale (les régions de Santa Cruz, Pando, Beni, Tarija et Chuquisaca) et le gouvernement laisse entrevoir une issue possible à la crise qui a secoué le pays. Le président bolivien a regagné lundi dernier La Paz, où se poursuivent les négociations avec les gouverneurs des provinces, après avoir participé au Chili à une réunion extraordinaire de l’Union des nations sud-américaines (Unasur), consacrée à la Bolivie, dans le but de désamorcer la crise.
Le vice-président bolivien, Alvaro Garcia, s’est dit prêt « à discuter des questions de fond avec les régions dirigées par l’opposition libérale » . Michelle Bachelet, la présidente du Chili, a prôné une « attitude positive et constructive » afin de « soutenir les efforts du peuple et du gouvernement boliviens » . Le porte-parole de l’opposition, Mario Cossi, gouverneur de Tarifa, a noté « des signaux témoignant de la volonté d’aller de l’avant ».
Dans la nuit de dimanche à lundi, une reprise du dialogue entre le gouvernement et l’opposition a eu lieu au palais présidentiel de La Paz, et a permis d’obtenir « 80 % des bases d’un accord », a expliqué Mario Cossi. Les gouverneurs des provinces rebelles ont d’ailleurs annoncé la suspension des manifestations et des blocages routiers.

Depuis une semaine, les heurts entre le gouvernement bolivien et les régions soutenues par l’opposition libérale ont fait 18 morts dans le département de Pando (nord du pays), où a régné la loi martiale pendant près de quatre jours. Les forces militaires achevaient de rétablir l’ordre dans cette petite région de 70 000 habitants, située près de la frontière du Brésil. Des groupes armés avaient pris le contrôle d’édifices publics. Les soldats recherchaient aussi le gouverneur de Pando, Leopoldo Fernández, accusé d’avoir violé l’état de siège et organisé un massacre de paysans dans le village de Porvenir, où doit se rendre une commission d’enquête.
Les régions d’opposition, qui détiennent les principales richesses naturelles, réclament une plus large autonomie et notamment la gestion du lucratif impôt sur les hydrocarbures.
Ces régions rejettent aussi le projet de Constitution socialiste visant à redistribuer les richesses à la communauté ­pauvre des Andes, et la réforme agraire qu’Evo Morales veut faire adopter par référendum. Pour Morales, cette crise se place sous le signe d’un combat contre les États-Unis. « Ils peuvent faire tomber l’Indien, ils ne feront pas tomber le peuple bolivien, le peuple révolutionnaire. » Il est soutenu par son homologue vénézuélien, Hugo Chávez, prêt à « stopper la folie du fascisme en Bolivie » et « à soutenir tout mouvement armé en Bolivie » . Il a exhorté le commandant en chef des armées boliviennes à « soutenir son président et non l’empire américain ».
Le général Luis Trigo, commandant en force des armées boliviennes, a fustigé « les ingérences extérieures d’où qu’elles viennent » . Présenté par ses adversaires comme « la marionnette de son allié du Venezuela » , Evo Morales a préféré ne pas faire de commentaires sur les propos de Chávez.

L’influence états-unienne sur l’opposition est cependant évidente. Après son expulsion, le 10 septembre, puis celle de son homologue au Venezuela, l’ambassadeur américain Philip Goldberg a lui-même averti que son renvoi aura des « conséquences ­sérieuses » pour la Bolivie, où la misère ­touche 70 % de la population. Ce que confirme à mots à peine couverts l’analyste bolivien Diedo Ayo, qui assure que le « climat d’incertitude né du rapprochement de Morales avec le gouvernement iranien ne favorise pas les investissements étrangers » , qui ne se maintiennent que grâce aux cours internationaux des ma­tières premières. L’aide annuelle américaine pour la lutte contre la drogue en Bolivie est de 140 millions de dollars, alors que le Venezuela apporte 180 millions de dollars à son allié bolivien.

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