Tri sélectif

On trouve des pépites dans les derniers albums
de Paul Weller et Primal Scream, mais il faut avoir la patience de les chercher.

Jacques Vincent  • 25 septembre 2008 abonné·es

Il n’y a pas vraiment de raison objective à mettre ensemble Paul Weller et Primal Scream. Mais beaucoup de raisons subjectives auxquelles nous tenons. D’abord, parce qu’ils font partie de nos favoris depuis longtemps. Weller parce qu’il est sans aucun doute, sur le plan purement musical, la personnalité la plus importante sortie des années punk avec Elvis Costello. Primal Scream parce ce groupe, notamment à travers son leader, Bobby Gillespie, est l’archétype du groupe de fans de rock affichant avec constance ses idoles : Stones, New York Dolls, Suicide, tout en étant capable de s’aventurer sur des terrains sur lesquels il est à peu près le seul à réussir à entraîner, la tendance électro notamment. Sans se renier, en conservant tout ce qui le caractérise : énergie, démesure, une vision du rock comme une grande fête électrique. Autant dire que, de l’un comme de l’autre, tout nouveau disque est toujours attendu avec intérêt. Avouons aussi que l’idée de les rassembler dans la même chronique vient du fait que ces deux disques ne sont pas les meilleurs de leurs auteurs et que, dans l’un comme dans l’autre, il faut faire du tri pour en retirer les pépites qu’ils contiennent.
Avec Weller, il y a de quoi faire parmi les vingt et un titres annoncés sur la pochette, qui provoquent un premier étonnement, lequel persiste avec les deux premières chansons, qui tournent à vide. Le disque commence vraiment au troisième morceau. Le son prend de l’ampleur, la voix retrouve sa chaleur naturelle. Suit une séquence de soul-pop anglaise aux arrangements de velours parsemés de poussière d’étoiles, brutalement interrompue par une ballade d’une totale noirceur. Tout au long du disque, comme une errance de Weller dans son propre univers, qui enchaîne les humeurs et les atmosphères, on a une succession de réussites splendides et d’interludes inutiles, comme ces instrumentaux qui font la part belle aux moogs et autres mellotrons. En fin de compte, l’écoute de 22 Dreams rappelle un peu celle du All Things Must Pass de Georges Harrison. L’intérêt qu’on lui portera devra beaucoup à celui que l’on porte à son auteur.

L’album de Primal Scream déconcerte également d’emblée avec une série de chansons d’un électro-pop sautillant qui ont des allures de bluettes en comparaison de ce que l’on attend du groupe : une musique intense et hallucinée, des chansons-bolides lancées à pleins tubes dans une nuit trouée de flashs lumineux, quelque chose d’un peu malsain aussi. Est-ce trop demander aujourd’hui ? Non, mais pour en arriver là, il faut attendre le cinquième morceau, « Suicide Bomb », tout en martèlement de tambours et guitares stridentes. Le groupe est enfin retrouvé, et les grands moments s’enchaînent : l’entêtant « Beautiful Summer », l’halluciné « I Love to Hurt » ou le très électrique « Necro Hex Blues ». À chacun de juger si cela suffit à racheter le reste.

Culture
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