L’Inserm et le cancer

André Cicolella  • 23 octobre 2008 abonné·es

«En 2005, le nombre de nouveaux cas de cancers en France a été estimé à près de 320 000 pour les deux sexes confondus, 180 000 chez les hommes et 140 000 chez les femmes… Si l’on tient compte des changements démographiques (augmentation et vieillissement de la population française), l’augmentation du taux d’incidence depuis 1980 est estimée à + 35 % chez l’homme et + 43 % chez la femme. » C’est par ces chiffres que débute le dernier rapport « Cancers et environnement » de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Une épidémie : l’Inserm évite le mot, décrivant pourtant une maladie qui touche aujourd’hui un homme sur deux et une femme sur trois, mais ose cette analyse : « Les modifications de l’environnement pourraient être partiellement responsables de l’augmentation constatée de l’incidence de certains cancers. » On admirera la prudence du conditionnel face à la réalité, mais, un an après la publication du rapport des académies de médecine et des sciences qui niait ce lien entre l’épidémie de cancer et l’environnement, il n’est pas anodin que l’Inserm admette que, pour huit des neuf types de cancers étudiés, l’exposition à des pesticides est en cause. Un sérieux coup de pouce à une mesure phare du Grenelle : la réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides. 
Ce rapport représente évidemment un pas en avant. Cependant, il reste issu du même moule de pensée que celui des académiciens. En effet, il repose principalement sur des enquêtes effectuées sur les populations humaines. Un rapport qui affirme traiter du lien entre cancers et environnement aurait dû comporter un état des lieux plus complet des cancérogènes, non seulement chez l’homme, mais aussi chez l’animal.

Pour le cancer du sein, par exemple, 216 expositions – substances chimiques ou radiations – induisent des tumeurs mammaires chez l’animal, mais seulement 15 sont officiellement classées cancérogènes chez l’homme. Bien sûr, il ne suffira pas de se préoccuper des premières si on veut arrêter l’épidémie. Il faut prendre aussi en compte des substances qui sont des perturbateurs endocriniens, comme les parabens, ces conservateurs utilisés dans les cosmétiques, ou le bisphénol A, l’additif des biberons en plastique polycarbonate. Le nœud du problème est là : pour enrayer l’épidémie de cancer, on ne peut se contenter d’attendre que les effets soient clairement avérés chez l’homme pour agir. C’est ce principe de précaution qui a conduit les professionnels regroupés dans le Comité pour le développement durable en santé (C2DS) à lancer un appel au boycott des mallettes cadeaux offertes aux mères dans les maternités, où l’on trouve des lingettes chargées en produits tels que les parabens ! La lutte contre le cancer ne doit pas être déléguée aux seules institutions ; c’est aussi et surtout une affaire de citoyens.

Écologie
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