Le tir à l’arc entre terre et ciel

Matthieu Pérais  • 24 décembre 2008 abonné·es

Le tir à l’arc est une discipline qui remonte aux temps les plus anciens, mille ans au moins. Il fut pratiqué pour chasser ainsi que pour faire la guerre, et c’est à l’apparition des armes à feu que l’on voit disparaître l’utilisation militaire de l’arc. La discipline devient alors un loisir puis un sport à part entière. La première compétition se déroule en 1583 en Angleterre. Le tir à l’arc devient ensuite une discipline olympique de 1900 jusqu’en 1920 et, après une longue interruption, il est réintroduit aux Jeux de Munich en 1972.
Il existe à l’heure actuelle plusieurs disciplines dans le tir à l’arc comme, par exemple, le tir en salle, le tir Fita (pour Fédération internationale de tir à l’arc), qui est la discipline phare étant donné qu’elle est le tir olympique. Le tir à l’arc de haut niveau demande des capacités particulières, comme une concentration à toute épreuve, ou simplement le goût et l’envie de ce sport inhabituel. Le tir à l’arc est considéré depuis 1900, sa première apparition aux JO, comme un sport de haut niveau. Cette discipline apporte une prise de confiance en soi ; cependant, comme dans tous les sports, il faut faire des sacrifices pour prétendre au haut niveau.
Après avoir questionné un membre de l’équipe de France, j’ai pu me rendre compte à quel point la pratique de la compétition était exigeante. En effet, on m’a expliqué que les archers s’entraînaient trente-huit heures par semaine, avec des séances de musculation et de sophrologie. Cette dernière est très importante à haut niveau car elle va permettre le développement de la personne et une prise de confiance en soi, qui va favoriser la préparation à la compétition.

La discipline où l’on rompt complètement les fron­tières entre le physique et le mental est le Kyudo (la « voie de l’arc », dans la culture japonaise). Cette discipline n’est pas faite seulement pour projeter une flèche sur une cible, car le Yumi (l’arc japonais) n’est pas conçu pour atteindre la cible. Le Kyudo s’attache plutôt à des concepts, c’est avant tout un art martial qui privilégie les capacités mentales de l’archer.
L’arc est un objet d’art que l’on manie avec respect. Ce contact quasi religieux avec l’objet incite à la recherche du beau geste, le plus simple et le plus parfait possible. La beauté intérieure de chacun se révèle à travers la beauté de son tir. Cette re­cherche de la perfection de soi a des répercussions dans tous les instants de la vie, que l’on soit au dojo ou ailleurs.
Le respect des autres et la générosité, quand on pratique le Kyudo, s’appliquent en groupe. Les déplacements dans le dojo et les gestes de préparations se font selon un certain rituel qui crée une harmonie dans le groupe. Chacun tire à son tour sous le regard des autres. On est à la fois seul avec son tir et porté par le groupe ; ici, on ne cherche pas à être meilleur que l’autre mais à être meilleur que soi-même. On va remercier l’autre d’être meilleur que nous, car il nous pousse à progresser.
Le lâcher-prise, c’est rendre le Moi transparent à l’Être, c’est accepter que notre Moi lâche prise, qu’il arrête de vouloir tout contrôler. C’est laisser l’instinct ou l’intuition agir. Dans le Kyudo, on est à la recherche du Satori, un état de grâce où notre Moi devient spectateur, où il ne contrôle plus nos agissements.

Nous avons deux personnalités, une extérieure, le Moi, qui nous permet de vivre en société, elle est notre enveloppe corporelle ; et le Soi, qui est souvent ignoré tellement nous sommes pris par notre vie sociale. Le Soi représente notre vraie nature, le Kyudo va permettre de réaliser ce que « je suis déjà ».
La maîtrise, le tir à l’arc permettent de mieux connaître et conduire son corps. En effet, lors d’une compétition de Kyudo, on ne tire que deux ­flèches, il faut donc, au moment de la réalisation, accomplir le geste parfait. Il faut que l’esprit et la technique se rencontrent pour pouvoir atteindre la perfection. La maîtrise est poussée à un tel point que le Kyudo invite à tirer une flèche comme si elle était la dernière, c’est en quelque sorte comme si l’archer devenait sa propre flèche.

Lors d’une rencontre avec un maître de Kyudo et un entraîneur, une question s’est posée : peut-on proposer le tir à l’arc comme thérapie ? Les deux intéressés m’ont répondu : « Pourquoi pas ? » En effet, le tir à l’arc permet une grande ouverture d’esprit, et apporte de la discipline ainsi que de la rigueur dans la vie de tous les jours. C’est un sport où l’on ne peut pas réellement s’exprimer car chaque mouvement doit être maîtrisé, mais il apporte une expression importante de son Soi ainsi qu’une importante découverte de ses richesses intérieures. Les deux protagonistes sont tombés d’accord sur le fait qu’il ne peut pas servir à tout le monde, mais il permet d’apprendre à se connaître et à se développer dans un milieu de respect. C’est un monde de précision et d’harmonie, une mise en parallèle avec notre société actuelle. On peut donc s’évader l’espace d’un instant dans notre monde par la pratique de ce sport.

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