Les Verts gagnent du temps

Le congrès de Lille a reconduit Cécile Duflot à sa direction. Mais la large majorité obtenue par sa motion de synthèse ne résout pas les divergences concernant la stratégie de redressement du parti écologiste.

Patrick Piro  • 11 décembre 2008 abonné·es

L’essentiel est sauf : les Verts sortent de leur congrès, tenu à Lille les 5 et 6 décembre, avec une direction élue par une majorité très confortable. La motion de synthèse, regroupant quatre des six motions présentées lors du premier tour du 16 novembre, a obtenu 71 % des voix. Cécile Duflot, reconduite secrétaire nationale à la tête d’un collège exécutif (CE) élu jusqu’en 2011 [^2], a voulu lever toute ambiguïté : devenue une « urgence », l’écologie ne sera « jamais un projet de la droite ni du centre ». Bien à gauche, « pour une décroissance solidaire, équitable et sélective » , mais pas au sein « de cette vieille gauche productiviste, convertie à la croissance verte après le libéralisme rose ».
À Lille, il fallait à tout prix rassembler, et pour deux bonnes raisons : parce que les écologistes, coutumiers des psychodrames publics, tenaient une occasion en or de montrer de la maturité politique, quand le PS s’enfonce dans une balkanisation durable ; et parce qu’une discorde interne aurait constitué un beau cadeau à Daniel Cohn-Bendit, qui parvient pour l’instant à faire tenir un large rassemblement écologiste en vue des élections européennes de juin 2009.
Si l’ombre portée par ce dernier a pesé à Lille, c’est finalement sur des positions divergentes concernant l’avenir du parti que se sont articulées les négociations internes, marquées par une nuit de débats et une conclusion à l’ultime seconde.

Les amis de Cécile Duflot (27,8 %), partisans d’un parti vert fort et autonome, avaient rapidement fait alliance avec une partie des environnementalistes de Jean-Marc Brûlé (14,3 %) et les amis de Bernard Jomier et de Noël Mamère (6,2 %). Restait à boucler l’option privilégiée : rallier l’aile gauche menée par Martine Billard et Francine Bavay (11,8 %). Mais cette dernière motion n’a finalement rien cédé de ses exigences initiales, considérées comme excessives par les amis de Cécile Duflot : obtenir l’exclusion du rassemblement pour les européennes d’écologistes ayant des accords locaux avec l’UMP – à savoir les amis d’Antoine Waechter –, ainsi qu’un accord pour la participation d’un porte-parole des Verts aux réunions des écologistes radicaux [^3].
) et de l’Appel de Politis. « Les Verts refusent de regarder du côté de cette gauche devenue beaucoup plus ouverte à ­l’écologie », déplore Martine Billard.
Disposant d’une unique représentante au collège exécutif (CE), Françoise Alamartine, l’aile gauche des Verts, se retrouve enfermée dans une stratégie d’influence interne en perte de vitesse [^4]. Elle reste pourtant son option privilégiée. Martine Billard et Francine Bavay, entre autres, ne manifestent pour l’instant pas le désir de quitter les Verts, en particulier après l’invitation de Jean-Luc Mélenchon de rejoindre son Parti de gauche.
À contrecœur, les amis de Duflot se sont donc résignés à accepter la main tendue par les voynetistes (25,3 %), qui se sont montrés très souples sur le texte de la motion de synthèse. Désireux de mener une bataille d’alliance pour la reconstruction de la ­gauche, principalement avec le PS, ces derniers ont considéré qu’un séjour de trois ans dans la minorité desservirait beaucoup leur ambition, qui refera immanquablement surface dès la fin d’élections européennes où les Verts subissent aujourd’hui pleinement la stratégie de Cohn-Bendit. Cécile Duflot devra composer, au sein du CE, avec ces alliés de circonstance. Les futures décisions du Conseil national (Cnir, le parlement des Verts), qui nécessitent 60 % des approbations, pourraient être plus délicates à obtenir que ne l’indique le score de la motion de synthèse. À Lille, les Verts n’ont finalement fait que repousser la résolution de leurs problèmes à l’après-juin 2009.
Et les environnementalistes d’Yves Cochet (14,6 %) ? Comme à Bordeaux, ils se retrouvent exclus de la majorité. Certes, le projet du député d’une dissolution-reconstruction des Verts a pu servir de repoussoir. Mais, en la circonstance, les arrondissements d’angle et les concessions n’ont pas opéré, car le vrai blocage était ailleurs : Denis Baupin, à la tête de la motion d’Yves Cochet, et qui concourait depuis septembre pour le poste de secrétaire national, était depuis le début non grata chez les amis de Cécile Duflot.

[^2]: Le mandat de la direction vient d’être porté de 2 à 3 ans.

[^3]: Prochaine date : les 10 et 11 janvier près d’Avignon (voir le site .

[^4]: 12,6 % des voix, contre 18,4 % à Bordeaux.

Politique
Temps de lecture : 4 minutes